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Une frenchie à la découverte de l'autre bout du monde, partie voir là-bas si j'y étais.

mercredi 10 octobre 2012

Partir en randonnée...

Tout s’est décidé sur un coup de tête.
Bien avant mon départ, j’avais pensé visiter, en plus de Bali, Lombok, sa sœur jumelle, bien moins développée touristiquement parlant. Mais c’était avant que papa me dise de plutôt faire Java, si j’avais 5 jours de libres. Lorsque Dion m’a annoncé mardi matin qu’il devait rentrer à Kuta le soir même pour voir son oncle, ce qui coupait court au road trip, la question s'est reposée. Payer cher une traversée rapide vers Java ? Me faire des heures de route et de bateau, soit 1 jour et demi de trajet, pour aller y passer 5 jours ? C’est le patron de l’hôtel à Padang Bay qui m’a conseillé de plutôt aller sur Lombok, mais de prendre ma soirée pour réfléchir.
C’est ce que j’ai fait, guide en main, mais le Petit Futé Bali Lombok est bien plus prolixe sur Bali que sur Lombok, où il ne semble pas y avoir grand-chose à faire. Il y a bien cet ancien volcan dont le cratère contient un lac, et que j’avais repéré au tout début que je regardais pour Lombok. En plus l’hôtel peut me réserver le trek. Quelques lectures de blog et j’opte pour la formule 3 jours/2 nuits jusqu’au lac, et pas jusqu’au sommet, qui est tout de même 1100 mètres plus haut. Je ne me sens pas au top de ma forme alors je préfère ne pas présumer de mes forces. Le pack signé comprend mon transfert à Lombok, puis jusqu’au lieu de départ du trek, les 3 jours avec porteurs et guide. Il assure aussi mon transfert ensuite sur l’île de mon choix parmi les trois Gilis qui jouxtent Lombok et sont autant de petits paradis. Un endroit idéal pour ne rien faire. Alors c’est vendu, à 8h30, pour un départ à 9h.
Au départ de Padang Bay
Quelques heures de ferry cafardeuses et une bonne heure de bus plus tard, je suis déposée à Senggigi, avec l’impression déplaisante d’être passée de Charybde en Scylla : si Bali est poussiéreuse, par rapport à Lombok, elle est excessivement propre. Ici, il y a des papiers et des sacs plastiques partout… Sans trop chercher, je me crashe dans la première guesthouse qui se trouve sur ma route, tenue par une hollandaise, et prévient le patron de l’agence de trek de l’adresse où venir me chercher pour me transférer au départ du trek. Nous sommes mercredi fin d’après-midi, ils doivent me prendre demain pour un départ après-demain. De quoi s’infuser un peu de culture sasak, les musulmans de lombok. 
Je vais donc à la dérive visiter Senggigi, station balnéaire sans grand intérêt, et espère que Senaru, la base de trekk, sera plus mignonne, quand un jeune homme sur un scooter, que je vois pour la deuxième fois, me hèle en me demandant où je vais. Polie même si je suis toujours sur mes gardes vu les trop nombreuses sollicitations, je lui dis que je cherche un endroit où manger, et il me propose immédiatement de m’emmener quelque part où la nourriture est locale et très bonne, répondant à mes « nan mais je suis une backpackeuse, j’ai pas de sous, je peux pas te payer » en m’assurant qu’il ne veut rien. Bon. Soit. Je monte sur son scooter en me demandant si c’est bien raisonnable et me retrouve en deux temps trois mouvements dans un petit warung au bord de la plage que j’avais déjà repéré mais où je n’avais pas osé m’arrêter. War (oui oui), mon nouvel ami, m’explique les différents plats et se contente d’un thé, tandis que je dévore une sélection des plats les moins épicés, arrosés de thé chaud pour faire passer la brûlure, et que nous papotons largement de son île. Décidément, à force d’être prise pour un pigeon, je suis devenue méfiante.
Mon téléphone sonne : changement de plan, finalement Mr Hardy, le patron du trek peut venir me chercher demain matin à 5h pour un départ directement après le transfert. Je file donc faire ma valise, et me coucher. Malgré l’heure précoce (20h) la nuit sera courte et mauvaise. Je me réveille toutes les heures et me fait dévorer par les moustiques, ce qui ne me rassure pas car Lombok est censée être à risque de palu et je ne suis pas sous Malarone. Croisons les doigts…
J’ai prévenu Mr Hardy de me dire quand il sera là, pour que je n’ai pas à l’attendre sur la grand route, mais apparemment la consigne n’a pas été passée au chauffeur car quand je rejoins la voiture, les trois autres français inscrits également pour le trek m’attendent depuis 30 minutes… 1h30 de voiture plus tard, nous voilà à pied d’œuvre. On avale vite fait un petit dèj’, je dis au revoir à deux de mes covoitureurs qui partent d’un autre point et bonjour aux 7 membres de ce qui sera mon groupe pour les 3 prochains jours : 1 française, 2 français, 2 amis suisses et 1 couple d’espagnols. Rapidement, Julie et moi partons du même pas et commençons à discuter.

Photo piquée à Julie
Photo piquée à Julie
Bilan de la journée : 6 heures de marche, 1700 mètres de dénivelé positif dans la forêt primaire puis une sorte de lande qui ressemble aux alpages, et une vue hallucinante sur la caldera et le lac, quand on arrive à 2200 mètres. La température tombe vite avec le soleil et on se tasse autour du feu pour le repas. J’en ai chié aujourd’hui, me suis bien trempée de sueur, et je me sens nauséeuse et fébrile depuis quelques heures. J’ai aussi un petit mal de tête qui pointe et il n’en faut pas plus pour que je commence à flipper en remarquant que ces symptômes sont ceux du mal des montagnes…
 Le riz aux légumes que je vais rendre dès la première bouchée prouvera que ce n’est qu’une petite intoxication alimentaire, car après tout va mieux. On nous répartis dans les tentes, et je partage la mienne avec Julie. Ces tentes, les porteurs les trimbalent attachées à des tiges de bambou portant un panier à chaque extrémité, pour un total de 25 kilos par homme. Ils ne sont pas humains.

photo piquée à Julie



Pas difficile de suivre le chemin, c'est vers le haut...





Vendredi matin – 6 heures.

Pancake à la banane et sandwich à la confiture d’ananas sont expédiés avec du thé bien chaud. Aujourd’hui, c’est la journée cool : on descend se baigner dans le lac, puis dans des sources chaudes, et ensuite on remonte à 2600 mètres, pour être à pied d’œuvre pour la grande montée de samedi. Au final, pas tout à fait aussi cool que ça, car la fin de la remontée se gagne à la force du mental, surtout quand une énième flèche de parcours me nargue en indiquant que oui, il faut bien aller tout droit, vers le haut. La baignade nous a vidé, les deux jours de marche aussi. Et puis s’il ne fait pas beaucoup plus froid qu’hier (6 degrés), le vent en fait un froid glacial et je béni chacune des couches de vêtements que j’ai apporté, même celles en trop que je distribue à ceux qui n’ont pas été assez prévoyants. Stephan le suisse se retrouve ainsi avec mes guêtres car il a oublié les jambes de son pantalon de rando, et JB enroulé dans ma couverture en poil de yak. Quant à Julie, elle squatte un de mes sous-pulls, échangé contre une paire de chaussettes sèches. Tout ça ne nous encourage pas à nous attarder. De toute façon, on se lève à 2h pour la montée. Parce que oui, j’y vais aussi. J’en ai moins bavé aujourd’hui qu’hier, je sens mon corps jubiler sous l’effort, et je sais que je n’ai pas atteint mes limites, qu’il m’en reste sous le pied.
Photo piquée à Julie


Photo piquée à Julie


Photo piquée à Julie
Photo piquée à Julie

Samedi nuit – 2h09.
Du mouvement sur le camp et je suis tout de suite réveillée. On s’habille, on vérifie une dernière fois les frontales, on avale un thé et des crackers sucrés, je saisis le baton qui m’a déjà bien servi hier, et on est partis. On a 3 heures pour arriver là-haut, à 3726 mètres. 3 heures pour faire 1100 mètres de dénivelé, sur un sol pourri de petites pierres qui roulent et glissent, et te font parfois reculer alors même que tu es à l’arrêt, en train de reprendre ton souffle. L’ascension se divise en trois parties. Une première, très raide, avec des racines encore, et déjà cette pierraille vicieuse, qui nous coupe les jambes et nous fait craindre le pire. Puis une seconde beaucoup plus calme, sur un meilleur sol, mais où le vent commence à se faire cruellement sentir. Couverte comme je suis, je n’ai pas froid, mais lorsque je veux changer mon bâton de main pour m’assurer autrement, je me rends compte que je n’arrive plus à remuer les doigts. Petite pause technique donc, pour ré-assouplir tout ça, le mini-thermomètre/sifflet/boussole offert par mon oncle et ma tante indique 6 degrés, mais avec le vent, on doit être en négatif.
C’est à ce moment que JB abandonne, trop peu couvert pour supporter le froid il se roule en boule au dernier abri offert par les rochers, juste avant le début de la troisième partie, et attend de se réchauffer pour redescendre. Un guide est avec lui, et moi ça va, alors je continue. Commence alors la troisième partie. Ah… la troisième partie. On m’avait dit qu’on faisait 3 pas pour reculer de 2, et c’est exagéré. Mais oui, je glisse, c’est raide, extrêmement raide même, et j’ai l’impression que je n’arriverais jamais avant le lever du soleil, qui clairement ne m’attendra pas. La lumière monte déjà, et je compte mes pas, faisant des compromis avec moi-même : « allez, on essaye jusqu’à 25. Bon, 15 c’est bien 15, mais je peux encore en faire un ou deux avant de m’arrêter… ».
Au-dessus de moi, la crête rocheuse se rapproche, doucement. Je vais le faire, ça va, c’est dur, mais ça va, j’en ai encore sous le pied, je ne suis pas à mes limites. Allez, crête rocheuse dans 100 pas. Et par un hasard malicieux, c’est effectivement 100 pas que je fais avant de me retrouver entre les deux lèvres de la crête rocheuse. Et là je constate que le sol, lui, n’est pas de roche. Que c’est toujours ce cailloutis dégueulasse. Mon moral lâche d’un coup. Je sais, je sais, il reste quoi, 200 mètres, mais là, pour la première fois, je me dis que je ne vais pas y arriver. Et derrière moi, inexorablement, le ciel s’éclaircit, et j’aperçois un morceau de soleil levant. Je me traîne, je grogne, mais putain ça y est j’y suis ! 3726 mètres et le soleil en pleine gloire qui finit de sortir de derrière l’horizon. Je l’ai fait putain ! Je l’ai fait ! Je suis arrivée avant la fin du lever de soleil ! J’en ai des larmes plein les yeux, surtout que la vue est complètement démentielle d’ici.

La batterie de mon appareil m'ayant lâché (oui, encore...) toutes les photos suivantes sont de Julie. Merci à elle de me les avoir passées!!





Ouaiiissss, on a des preuves!



Petite pause photo et on repart vite fait, car il fait 4 degrés, et en négatif je ne veux même pas savoir mais on gèle. On croise notre guide, qui a trimballé mon thermos, ce qui nous permet tout juste d’avoir une demi tasse de thé chaud par personne, et on redescend tout shoosss dans les saletés de gravillons qui nous ont tant fait peiner tout à l’heure. 3h30 à la montée-1h à la descente, en comptant les pauses photos… Mais ça, on le saura après, c’était la partie facile. Pace qu’il est 10h, qu’on a déjà 2200 mètres de dénivelé dans les pattes (positif et négatif cumulé) et qu’on doit encore s’en faire bien 1100 avant d’arriver en bas. La descente est juste une torture. Le chemin est hyper raide, plein d’une poussière qui vole et qu’on bouffe à pleines dents, et traitre, avec des racines et des trous. Ça tire sur les genoux et chaque pas devient une douleur, au point que je suis obligée de faire une pause pour me masser à la gaulthérie, pure, en espérant que l’anti-douleur fera son rôle. Ça doit en tout cas marcher car quand on s’arrête pour manger, je n’ai plus mal.


On arrive finalement en bas vers 14 heures, poussiéreux comme je n’ai jamais été, et complètement épuisés.
1h entassés avec nos muscles douloureux qui tirent dans la benne d’un camion, puis une microscopique toilette de chat et on est répartis dans des minibus qui nous emmènent en 2 heures à l’embarcadère, où, après une traversée de 20 minutes particulièrement éprouvante pour les nerfs vu qu’on est sous la ligne de flottaison, on arrive à Gili Trawangan. Julie et moi on a convenu de prendre une chambre ensemble pour pouvoir se payer un truc un peu mieux que ce que nous permet nos budgets séparés, avec eau chaude, et de l’eau claire, car sur les gilis il y a pas mal d’eau désalée, qui garde un vrai gout de sel. On fait quelques guesthouses, prises en charge par un mec qui a l’air payé pour ça, et on finit par en trouver une avec une chambre tout ce qu’il y a de plus occidentale, chacune un grand lit. Je fonce à la douche pour découvrir immédiatement qu’elle est froide et salée… Julie prévenue, je la laisse se doucher avant d’aller taper un scandale au patron, qui du coup nous baisse la chambre de 300 à 200 000 roupies. Soit.
Si les espagnols sont partis sur Gili Air, le reste du groupe est ici sur Gili T, et on s’est donné rendez-vous pour manger. Un bon resto de poisson, et puis on va tout de même faire un tour à la full moon party malgré la fatigue, poussées par les garçons qui ont des souvenirs émus de full moon en thaïlande. Ici ça n’a manifestement rien à voir puisqu’un seul bar fait une soirée spéciale dont l’ambiance est tellement calme qu’à minuit on lève le camp pour aller s’effondrer au lit, laissant nos suisses sur place, avec des amis à eux qui font comme l’un d’eux leurs études à Singapour.

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