Qui êtes-vous ?

Une frenchie à la découverte de l'autre bout du monde, partie voir là-bas si j'y étais.

samedi 11 mai 2013

Mettre en pratique

Mise à jour
Pour un article et une vidéo sur la propriété (avec photo de moi en action), allez donc voir par ! Par contre c'est en anglais.

Depuis 4 semaines, je suis à Possum Creek Farm, près de Bangalow (photos ici).

Si je suis arrivée ici, c'est principalement parce que je cherchais à me désengluer de l'attachement que je sentais grandir pour la communauté et ses membres, et parce que, malgré les soucis de visa de Romain, je n'en pouvais plus de rester au même endroit. Alors hop, on arrête de traîner, on se met un coup de pied au cul et on y va.

Je me suis donc connectée sur le forum de wwoofing et suis tombée sur une annonce pour un lieu tout près, cherchant des volontaires immédiatement. L'article parlait d'un site de démonstration pour la permaculture et le management holistique d'une ferme, avec des animaux, le tout à même pas une heure en direction de la côte. Mail envoyé aussitôt, le lendemain je recevais une réponse positive avec rendez-vous deux jours plus tard, tôt le matin pour commencer. Bingo, le flot du voyage était de mon côté à nouveau.

Les quatre semaines qui ont suivi sont les plus riches en enseignement et en travail physique que j’ai pu faire depuis le début de mon voyage. Alors que dans mes précédentes expériences de wwoofing je me formais principalement en bouquinant et en posant des questions à mes hôtes, ici les 6h de travail quotidien m’ont propulsée dans la pratique pure de ce que j’avais pu engranger comme informations. Fini la théorie ! J’ai pu ressentir jusqu’au fond de mes os cette vie que j’ai choisi. Préparer les lits de semence en commençant à la pioche pour ensuite passer à la fourche puis au râteau, éclaircir des bois à la machette et au coupe-branches, semer à la main en transportant son seau de 10 kilos de graines…

Pas ou très peu d’utilisation d’outils électriques ici, et le plaisir de sentir ses muscles tirer et de comprendre, viscéralement, ce que veut vraiment dire cultiver. J’ai retrouvé ce bonheur simple que je ressentais en aidant Florent et Sylvie à monter leur ferme. Le travail est rude, les journées longues, mais la récompense est de taille. Voir pousser, d’une semaine sur l’autre, ce qu’on a planté et nourrit, noter les petites modifications comme les grandes, s’émerveiller de voir papillons et libellules revenir dans ses champs et jardins potagers qui étaient auparavant massacrés par la tonte et les insecticides…

La propriété, anciennement détenue par une artiste, est sublime, dans le style sub-tropical. Forêt de bambous, palmiers, plantes luxuriantes qui pour nous sont exotiques, et une vue imprenable sur le cratère d’un ancien volcan. Le nouveau propriétaire, qui est dans la finance, a décidé qu’avoir plein de sous ne suffisait pas à vous rendre riche. Il a décidé d’acheter cet endroit et de le transformer en une ferme de démonstration d’agriculture holistique et de permaculture. Le but avoué ? reconnecter les gens de ce coin très branché de l’Australie avec leur nourriture, et avec une façon de faire pousser les légumes et d’élever les animaux qui soit respectueuse de la planète, de soi-même, et d’eux.

Cet endroit qui démarre est un paradis pour la mise en pratique et j’y ai une latitude énorme pour faire des propositions, des essais, et des erreurs. La deuxième semaine, il a fallu se débarrasser d’une vache car, trop vieille, ses cornes commençaient à pousser dangereusement près de ses mâchoires, provoquant des blessures. J’ai ainsi appris, connaissance longtemps espérée, à écorcher et découper une vache. Pour ceux qui le veulent, les photos sont .

Pas de perte ici : la viande, une fois dégraissée et découpée, sera passée au hachoir pour en faire de la nourriture pour chien, le rumen est récupéré et mis en culture pour produire un biofertilisant très puissant, les viscères, la graisse et la peau, enfouie dans des copeaux de bambou où elles tourneront en compost, les os brûlés pour en récupérer la cendre, fertilisante elle aussi. Pour moi qui suis devenue quasi végétarienne au cours de ces 8 mois, suivant en cela la diète de mes hôtes, l’expérience est d’autant plus porteuse de sens dans son absence totale de gâchis. C’est ça qui fait sens, ça que je veux. Je ne veux plus laisser à d’autres le soin d’élever, de tuer et de transformer les animaux dont je mange la viande. Je veux apprendre à le faire moi-même, m’émanciper d’une industrie en laquelle je ne peux pas avoir confiance et de prendre la responsabilité de ce que je mange. Etape suivante ? Apprendre à tuer moi-même.

Dharmananda – quand une semaine devient un mois

Les (nombreuses) photos sont

J’aimerais pouvoir parler de Dharmananda en lui rendant justice. Décrire cette communauté, vieille de 40 ans et qui fonctionne toujours, son incroyable résilience, sa gestion des conflits, ses jours de travail en commun, n’est pas chose facile. Raison pour laquelle ce post à tant tardé, plus de deux mois.

 Venue pour une à deux semaines, l’attente du visa de Romain et l’absence de nouveaux wwoofers qui auraient rendus ma présence superflue ont étendus mon séjour jusqu’à 5 semaines.

J’ai été heureuse ici. Solitaire parfois, car les membres ont chacun leur maison, contrairement à la communauté précédente où j’avais vécu, et que la maison commune n’est guère utilisée que pour les dîners et activités communes. Mais, forte de ma nouvelle résolution d’aller vers les gens, de me connecter autant que possible à ceux qui croisent ma route, j’ai rempli ces heures pendant lesquelles je ne travaillais pas d’autant de contacts que possible, filant un coup de main ici et là. J'ai aussi profité intensément de la nature environnante, partant pour de longues balades ou des baignades dans les trous d'eau de la rivière, me planquant sous la cascade ou bouquinant sur les pierres chauffées de soleil. Des photos de tout ça, ici.

Piochant dans la bibliothèque de la communauté j’ai continué mon voyage en permaculture, en développement personnel, en tressage de paniers… J’ai eu la chance également, ici comme plusieurs fois au cours de mon voyage, de cliquer avec des personnes, hommes surtout, étonnement, qui ne me considèrent pas comme une faible femme et m’ont donné des opportunités de toucher à tout, m’ont poussée hors de ma zone de confort pour me prouver très simplement que je peux moi aussi le faire.

Pour un des gars en particulier, JJ, il n’y a pas de « je te regarde juste faire » qui tienne et « non je ne peux pas » n’est pas une option tant que tu n’as pas essayé. Non pas qu’il m’ait jamais forcée à quoi que ce soit, mais, jouant subtilement sur ma fierté et mon envie d’apprendre malgré tout, il m’a toujours fait sentir, à sa façon tranquille, que tout allait bien, qu’il suffisait que je suive ses instructions et que j’y arriverais.

C’est comme ça que je me suis retrouvée sur un toit de tôle à 5 mètres du sol, les deux pieds dans une gouttière et perceuse en main, machette au poing à débiter du bambou pour en tresser des paniers ou la main enfoncée jusqu’au poignet dans le ventre d’un poulet pour en extraire les viscères. Et vous savez quoi ? J’ai adoré ça ! Me sentir devenir capable, regagner des savoirs que la majeure partie de ma génération a perdu, est un sentiment incroyablement puissant.

Alors que le visa de Romain se faisait encore et toujours attendre, j’ai étendu mon séjour d’une semaine, de deux, de 5 jours supplémentaires, encore 3, parce qu’il va bien arriver ce visa, alors bon, autant rester dans le coin et profiter.

J’ai ainsi assisté à l’enterrement de vie de jeune fille et au mariage d’Anna, grecque venue en wwoofing quelques années plus tôt et qui a trouvé ici Ray, membre de la communauté depuis plus de 30 ans. Les photos sont . Incroyable cérémonie que ce mariage australo-grec au milieu de la forêt, les mariés pieds nus dans un cercle de feuillages, et incroyable nourriture aussi, de spécialités grecques en cheese-cake, pièce montée effectivement composée de… fromages ! Des vrais ! des coulants ! des qui puent ! Bonheur de mes papilles de française qui se désespéraient du cheddar, même fait maison.

Ce mariage a aussi été l’occasion de rencontrer Tina, australo-grecque hyperactive de 38 ans, vivant libre de toute attache matérielle et pratiquant la permaculture dans son pays d’Europe, quelle entend ainsi pousser dans son développement vers un meilleur futur. Ses objectifs ont trouvé une grande résonnance en moi et m’ont encore une fois fait reconsidérer mes projets.

En parallèle, et notamment grâce à un livre emprunté à un de mes amis de Bellbunya, j’y ai aussi appris beaucoup sur moi, sur ce que j’attends de la vie, ce qui me rend heureuse, sur les relations aux autres, à moi-même. Cette étape de mon voyage m’a amenée à faire le point, la synthèse de ce que j’avais vécu jusqu’ici et à en tirer les leçons. Savoir donner tout ce qu’on peut à quelqu’un, à un groupe de personnes, sans se protéger, et être tout de même capable de partir ensuite, sans s’effondrer. Gérer au jour le jour ses attachements, ses sentiments, sa joie et sa tristesse, tout ça enchevêtré.

Baignée dans la douce monotonie des jours qui se succèdent et dans la joie des relations qui se tissent, j’ai glané ici et là de nouveaux savoirs. Traire les vaches à la graisse à traire, faire du beurre, apprendre de nouvelles façons de faire du yaourt, du pain et du fromage, faire de nouveaux essais et diffuser la recette de gâteau à la carotte qu’Eugény m’a donnée et que j’ai pour ambition de faire découvrir au monde… J’ai ainsi exploré plus en profondeur l’idée de vivre moi aussi dans une communauté, à un moment. Car comme je l’ai dit à une des petites qui me disait « tu devrais vivre ici pour toujours ! », le voyage n’est pas fini pour moi, je ne suis pas prête à me poser.