Qui êtes-vous ?

Une frenchie à la découverte de l'autre bout du monde, partie voir là-bas si j'y étais.

samedi 13 avril 2013

Brisbane - partie 2


Photos par ici

Au matin, Ko, 25 ans et avec qui j’ai beaucoup discuté à la soirée d’hier, se pointe à 8h, un dimanche, pour préparer avec Tim un mix de semis et de rempotage, ce qui me laisse baba. On est là, les mains dans le compost et la tête encore embrumée de la veille, à papoter consistance du mix et à soupeser les avantages de la vermiculite, du vermicompost et du sable de rivière. On brasse, on malaxe, on arrose, pour voir, et on termine avec deux grosses bassines de mix, que Ko ramènera chez lui pour ses futures plantations.

Parce que nous, avec Tim et sa copine Zoé, on file à la ferme urbaine, comme Tim me l’avait promis, car c’est jour de marché ! Northey St Farm, le seul marché entièrement bio de Brisbane, haut en couleur et en produits plus savoureux les uns que les autres. Là des smoothies tout frais, produits par un mixeur monté sur un vélo, ici une table couverte de plantes et fleurs comestibles inconnues du grand public ( pousses de patates douce, trèfle, épinards sauvages…), plus loin un stand couvert de toutes sortes d’épices, de céréales, de fruits et légumes secs en gros, parmi lesquels il est bien dur de ne pas piocher, voire de tout acheter. Heureusement, j’ai un campervan, et il est déjà blindé de nourriture bio, alors je me restreins, me contentant d’acheter deux paquets de thé à un petit marchand que j’avais déjà vu à Yandina, près de Bellbunya. Zoé quant à elle a acheté du lait de bain, c’est-à-dire du lait cru, mais puisqu’il est interdit par la législation, il est vendu comme cosmétique.

On se dirige ensuite vers la partie ferme proprement dites, dont Tim, en habitué des lieux, me fait une visite guidée. La maison commune, conçue par un des colocs d’Erin, le jardin destiné au marché, la pépinière où on peut acheter ses graines, plans, compost et autres, la partie verger, les blocs loués à des particuliers… Le tout s’étend sur deux pâtés de maison en proche banlieu de Brisbane. Deux pâtés de maison en permaculture, avec des poules, des arbres fruitiers et des plantes potagères hyper productives de partout, une sorte de jungle de nourriture parfois si dense qu’il devient difficile de s’y faufiler.

Mon plan était de me rendre ensuite directement au Channon, pour le marché hebdomadaire, mais les deux heures trente de route, l’heure déjà tardive et l’envie de rester un peu plus longtemps dans le coin sont plus fortes, alors avec l’approbation de Tim, je m’échoue sur son canapé. Un thé en main, on discute tous les trois, avec Zoé, des différentes façon qu’on a de faire notre yaourt, tout en dégustant les restes de son gâteau cru au chocolat (et avocat, banane, date, noix de coco, raisins… une tuerie qui pourrait bien détrôner le semi-freddo de maman tant c’est encore meilleur quand c’est glacé). Là encore on s’amuse d’être là, entre 25 et 30 ans, à comparer nos recettes de yaourt maison.

Le reste de l’après-midi est à l’avenant, Tim me faisant visiter un peu plus précisément le potager avant qu’on n’échange un sacré paquet de données diverses sur la permaculture, de films et d’infos sur des bons spots de wwoofing et puis au dodo, demain il y en a qui bossent, et d’autres qui filent vers le Sud, pour leur rendez-vous avec leur prochain spot de wwoofing, Dharmananda, qui m’a encore une fois été chaleureusement recommandé par Ko, qui a bien faillit y rester pour vivre.

Brisbane - partie 1

Photos par là ^^ et ici pour celles de la soirée, prises par Tim.

Puisque je devais passer par Brisbane récupérer le colis que Romain m’y avait envoyé en poste restante, autant y rester un peu. C’est comme ça que j’ai envoyé une requête de couchsurfing à Tim, australien de mon âge ayant wwoofé en France et passionné de permaculture, ce qui augurait de bonnes discussions. Les formalités postales effectuées, et un gros carton en plus dans le van, je me gare dans l’arrière-cour de Tim, qui est absent pour la journée, occupé à donner un cours de permaculture à la ferme urbaine de Brisbane.

 Je m’en vais donc me balader dans les rues de West End et sur la rive sud du fleuve. Si j’étais plutôt réticente à l’idée de retourner en ville, West End me charme vite par son côté un peu bobo/un peu arty, et la rive Sud, malgré le temps pourri est assez charmante, pour la ville. Me baladant sur les quais, près de la plage artificielle, je découvre un parcours à travers une bande de forêt pluviale, au cœur de laquelle est nichée un… temple népalais ? Etonnant contraste. Un coup de fil à Tim m’apprend que finalement il finira plus tôt et que si je veux bien le retrouver chez lui pour filer à coup de main à la préparation de la soirée, ce serait chouette. Car ce soir il m’embarque à une soirée d’anniversaire qui est aussi une célébration de son année de voyage et des deux ans de baroude d’Erin, la copine dont c’est l’anniv. Autant dire, des dizaines de gens à rencontrer en perspective. Mon côté antisocial en frémit un peu, mais bien moins qu’il ne l’aurait fait quelques mois plus tôt.

Sur mon chemin vers le musée d’art moderne, longeant le fleuve, un buisson accroche mon regard. Tiens mais… on dirait un poivron dans cette plate-bande. Trois pas plus loin je m’arrête pile. Alors ça ! Ça c’est du basilic c’est sûr! Et de la menthe citron !! Des tomates ! D’autres poivrons, des épinards du brésil, du thym ! Je rêve, ils ont planté les rives avec des plantes potagères et aromatiques ! En plein cœur de la ville, face à la city, mais c’est génial ! Folle d’enthousiasme je ne m’arrête qu’un instant au musée pour manger un bout dans le café très branché et file vers la city, au creux de laquelle se nichent quelques-uns des anciens bâtiments de la ville. Non pas qu’ils soient très vieux à l’échelle du temps européen, mais les australiens en sont fiers malgré tout. Les pieds en feu d’avoir marché au pas de charge pour voir tous les petits points de mon parcours de touriste, je saute dans un bus pour retourner à O’connel street où je dois retrouver Tim chez lui.

A peine arrivée, je me retrouve à visiter la maison, le jardin (potager, le jardin, en plein milieu de Birsbane, donc), à tester les caramboles et les bananes maison, puis on saute sur des vélos pour se rendre à quelques minutes, de l’autre côté du quartier, chez l’amie en question. Là encore, partout les traces d’une permaculture urbaine. Des bambous, des plantes potagères, et des hommes barbus amicaux préparant de la nourriture végétarienne et décorant le salon de feuillages. Mais c’est génial ici ! Erin a déjà recouvert la moitié des murs du salon et des couloirs des photos de ses périples, une carte permettant même de suivre son parcours, et Tim s’attelle à la tache de recouvrir les autres murs de ses photos à lui, avec mon aide diligente pour coller des petits bouts de pate à fix au dos de chaque photo. C’est comme ça que la soirée glisse doucement de la préparation à l’action et que je relève la tête déjà entourée de tout un tas de gens. Pas moyen que je laisse ma timidité me museler, alors je pars au front, je souris, lance des accroches, papote… et me rend compte rapidement que je suis entourée d’activistes écologistes.

Tous plus ou moins passionnés de permaculture et/ou de développement durable, avec des métiers en rapport, impliqués dans des réseaux d’amap ou de paniers locaux, titulaires du certificat de design en permaculture, volontaires à la ferme urbaine, encadrant des personnes en difficulté sociale, faisant pousser leurs légumes dans leurs arrière-cours, y élevant des poules, des abeilles… Tout ce petit monde a aussi beaucoup voyagé, est hyper ouvert, très amical, et je me retrouve avec un tas de contact d’endroits à visiter où à wwoofer, et aussi plein de personnes prêtes à m’accueillir si je repasse sur Brisbane.

Les discussions sont passionnantes, la bouffe incroyable (je note une recette de crème de citrouille à l’ail et de gateau au chocolat cru à se rouler par terre), les gens extraordinaires, et je commence à me dire que ce ne serait pas si mal de rester ici, de faire partie de cette tribu… Et de vivre dans ce quartier de West End, qui par certains côtés ressemble à mon 18e arrondissement côté Nord-Ouest de la Butte. Et surtout, surtout, ça me mets le nez dans l’égoïsme et l’utopie de mon projet actuel, qui ne se soucie que de vivre en autonomie, loin du monde, sans prendre le problème à bras le corps et agir de façon effective pour rendre les choses meilleures non seulement pour moi mais aussi pour la communauté. Le tout me secoue à la manière d’un électro-choc et, si je dors tout de même comme une souche, mon esprit tourne en boucle sur ces problématiques.

mardi 9 avril 2013

Quelques jours à Crystal Waters


Les photos sont par ici.

De Crystal Waters, on m’avait beaucoup parlé. Communauté existant depuis près de 35 ans, centrée autour de la permaculture et d’une vie harmonieuse avec la faune sauvage, le tableau était pour le moins alléchant. Mais comme je devais vite m’en rendre compte, y wwoofer n’est pas si facile. Sur la dizaine d’hôtes qui habitent l’endroit, ceux qui m’intéressaient le plus n’étaient soit pas disponibles, soit proposaient des conditions ou des projets qui ne m’intéressaient pas vraiment. Mais un échange de mails soutenus et chaleureux avec Max Lindegger, fondateur de l’endroit, me donne l’occasion de m’y rendre pour quelques heures.  Pendant que nous plantons des laitues en compagnie de Dessa, une volontaire brésilienne, Max m’expliquera un peu l’histoire de la communauté et certaines de ses techniques de jardinage, sans aucun secret. Je suis, encore une fois, un peu déçue de la façon dont est organisée sa propriété, considérant le fait qu’il pratique et enseigne la permaculture depuis près de 30 ans. Mais il souligne justement qu’il n’est plus si extrémiste qu’il a pu l’être. Si la conversation est intéressante, je ne suis pas sure qu’il y ait quelque chose ici pour moi. D’autant que les membres n’ont aucun droit de regard sur les nouveaux acheteurs du village et que se multiplient les résidences secondaires et habitants n’ayant pas d’intérêt pour la permaculture, au détriment du jardin communautaire, qui dépérit. 

Mais alors que nous revenons le lendemain pour voir le marché, fameux dans la région, en compagnie de Brett et de Jessica, volontaire américaine à Bellbunya, je découvre sur le panneau des petites annonces une demande d’aide pour trois jours, dans une propriété en permaculture. Or il me reste exactement une semaine à passer à Bellbunya avant de filer vers le Sud, Brisbane, puis mon prochain spot de wwoofing. Le weekend sera émaillé de tentatives de contacter l’hôte, Kaelana, qui, comme je le découvre en en discutant avec Joan, a vécu un temps à Bellbunya et sera donc surement encline à m’accueillir. Et en effet, lorsque je parviens enfin à la joindre, sa réponse est positive! Je débarque donc le mercredi suivant, quittant Bellbunya en prenant le chemin des écoliers pour profiter de l’incroyable vue qu’offre le trajet.

Comme je ne vais pas tarder à le découvrir, Kaelana est complètement perchée. Pratiquant le tapping, ou EFT (Emotionnal Freedom Technique, une technique de psychothérapie alternative), elle est aussi fondue de méditation, de soins par les cristaux et de tout un tas de pratiques new age qui sont clairement trop pour moi. Elle parle notamment à sa nourriture et aux graines qu’elle met à germer, leur disant qu’elle les aime et les remerciant, et m’assurant avec aplomb qu’elle a remarqué que la germination était plus effective ainsi. Heu, ok, très bien. Et le fait d’écrire « I love you – Thank you » sur les carafes filtrantes ça aide à purifier l’eau alors ? Mon scepticisme est à son maximum mais j’essaie de ne pas laisser le cynisme qui l’accompagne devenir trop flagrant car après tout, je ne suis là que pour quelques jours, et je suis à Crystal Waters !

Ensemble nous allons désherber une partie de son jardin, ce qui me permettra d’apprendre le nom de certaines herbes utiles en médecine ou comme comestibles (et que si on remercie les mauvaises herbes au moment de les arracher, elles viennent plus facilement, sisi). Nous allons aussi créer un passage en utilisant des cartons de récupération pour étouffer les mauvaises herbes, fertiliser les arbres fruitiers au compost, planter des aromatiques et collecter les inflorescences de certaines mauvaises herbes pour empêcher leur propagation et faire un thé de plantes qu’elle utilisera comme fertilisant. Je découvre aussi, en pratique, l’usage des cochons d’inde comme tondeuse à gazon, dans une cage ouverte au sol qu’on déplace régulièrement pour leur faire maintenir un espace. Un travail qui me semble long et fastidieux.

J’y nourrirais aussi des perroquets, venus picorer dans ma main des graines de tournesol, et ferais des miracles de cuisine, réinventant perpétuellement le contenu d’un frigo d’un vide quasi abyssal, parvenant même à créer un gâteau cru carottes râpées, miel et noix mixées que nous disposerons joliment au centre d’une assiette tournesol avant de le partager pour l’anniversaire de son fils, qui vit à des centaines de kilomètres de là. Pendant ce temps elle médite, fait des sessions skype de tapping qui ressemble beaucoup pour moi à des discussions matinées de psychologie hippie où on s’auto-convainc et convainc l’autre en parlant de lâcher prise, de choisir la joie, l’amour, la compassion etc. Et moi ? Moi je me ballade, je visite le village, qui n’a de village que le nom car excepté la boulangerie, ouverte deux jours par semaine, et les salles communes à l’entrée, le reste n’est que maison. Pas de commerces, pas d’entreprises, si ce n’est le jour de marché. En passant le jeudi chez Max acheter quelques-unes de ses merveilleuses bougies 100% naturelles qui embaument la cire d’abeille, je découvre qu’une conférence à lieu le soir même dans une ville voisine sur la capacité des petites fermes à survivre, et que certains membres de Crystal Waters, dont Dessa, seront présents. Pas d’hésitation possible, je décide de m’y rendre, sans Kaelana qui me dit avoir dépassé ce stade. C’est donc seule que je rejoins Maleny, un adorable village niché au creux d’une colline, et retrouve, dans un de ses cafés branchés, Dessa, donc, et trois autres membres de la communauté, dont une sublime jeune femme que j’avais aperçu le jour du marché et que je n’avais pas osé approcher.

Si la conférence n’est pas inintéressante, je garde un souvenir plus ému de la nourriture que je commande (un incroyable pesto betterave/feta notamment) et des échanges avec les personnes à ma table. Melting pot culturel, notre groupe compte donc Stéphane, français ayant travaillé dans l’hôtellerie de luxe et reconverti depuis 9 ans en producteur de fromage, collecteur de graines et vendeurs de jeunes arbres, plus homme à tout faire (« j’ai une tronçonneuse ») ; Dessa, brésilienne venue tout exprès en Australie faire son stage d’études environnementales sur la permaculture ; Roumi, espagnole arrivée presque par hasard il y a un peu plus d’un an et travaillant depuis comme volontaire avec Robin Clayfield, papesse new age de la permaculture, que je louperais car elle prépare en ce moment une retraite de 3 jours sur le fait d’être femme ; et un jeune américain timide qui travaille aussi avec Robin et qui restera en retrait toute la soirée. Et moi, française voyageuse sur les traces d’un mode de vie plus durable et qui trouve ses réponses dans les communautés et la permaculture.

Je quitterais Crystal Waters le lendemain après-midi, mettant à profit l’invitation d’Iris, ma collègue de Kin Kin, à venir passer la soirée chez elle sur ma route vers Brisbane. Mais avant, je fais un crochet par la maison de Stéphane, qui m’a proposé de passer papoter un peu en français et goûter ses fromages. Stéphane n’est pas là, mais je commence à taper la discute avec un gars du bâtiment construisant un studio tout à côté. Chaleureux et blagueur, il me demande si je peux lui filer un coup de main parce qu’il est à la bourre pour finir ce projet et, n’ayant rien de mieux à faire dans l’immédiat et ne pouvant pas arriver trop tôt chez Iris, je suis mon instinct et accepte. En moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, je me retrouve en train de visser des lattes de parquet, puis de peindre le sol au rouleau, payée en chocolat et en musique, ainsi que par la promesse que, s’il descend sur la gold coast, il me contactera pour me donner une leçon de surf.

Et me revoilà sur la route, petit sourire aux lèvres, pour aller rejoindre Iris à Buddina, banlieue moche de la gold coast, mais où un lit confortable et un délicieux dîner m’attendent. Un dîner avec de la viande! Chose qui est devenue extrêmement rare dans mon quotidien ces derniers mois, ce qui n'est pas pour me déplaire.

Au matin, après que j’ai déversé sur son nouveau disque dur la somme des ressources en permaculture que j’ai collectées auprès de mes différents précédents hôtes, iris me fait les honneurs de son jardin, déjà très productif, et de ses projets, avant de m’emmener au pas de charge faire le tour du marché voisin où je succombe à un incroyable gâteau poire amande sans gluten qui ne sera pas de trop pour ce soir, car je suis invitée à un anniversaire par mon hôte de couchsurfing !