Qui êtes-vous ?

Une frenchie à la découverte de l'autre bout du monde, partie voir là-bas si j'y étais.

dimanche 20 janvier 2013

Tresser les palmiers, jour 2

Au matin, on part en goguette car Stuart et Kate doivent faire quelques courses à Innisfail, la ville voisine. Un petit tour de la ville, qui n'a rien de bien passionnant, et je vais les attendre à la bibliothèque, où j'ai juste le temps de lire un livre tout mince. Impossible de me rappeler du titre mais l'histoire est celle d'un journaliste quanrantenaire français parti en argentine pour un article qui rencontre une étudiante originaire du sud de la France dans un hôtel et qui va lui mentir. Leur relation d'amour sera brève et fulgurante, intensifiée par le tissu de mensonges qui se déploie autour d'eux et par le fait que nous, lecteurs, savons qu'il rentre bientôt en France et qu'il ne lui en a rien dit. Ça se lit tout seul et en une heure, je suis à la dernière page, quand Kate vient me taper sur l'épaule. Le trajet retour dans leur vieille guimbarde pourrie est assez épique car, après avoir remorqué une famille aborigène tombée en panne d'essence à quelques centaines de mètres de la pompe nous commençons nous-même à avoir des ratés. Ce n'est pas au niveau de l'essence que ça se situe, mais des pneus et je ne suis rassurée qu'une fois qu'on arrive à bon port.


La journée continue avec de la peinture sur soie, que Stuart utilise pour embellir ses créations. On barbouille donc des longueurs de tissu de couleurs pures, jaune, bleu, rouge, qu'on laisse se mélanger au milieu pour former des dégradés puissants, et je m'amuse a expérimenter des teintes de vert, obtenant une couleur jeune pousse qu'on a envie de croquer.

Puis on part se plonger dans la rivière en mangeant des mangues fraîches et en admirant les énormes papillons Ulysse, d'un bleu électrique, qui se tournent autour. La vie est dure. Malgré la beauté du lieu, Kate et Stuart sont toujours un peu tristes en descendant à la rivière, car le cyclone a ravagé ce à quoi ils étaient habitués : une voûte de feuilles couvrant toute la longueur de la rivière, et un lit très haut, dépourvu de ce sable de remblai qui y a été déposé il y a quelques mois. L'endroit reste très beau, mais je conçois leur déception.

Quelques exercices de tissage pour vérifier que je n'ai pas perdu la main, je prend des photos pas à pas, et apprentissage encore, avec Stuart qui tresse à toute vitesse et qui ne prend pas vraiment le temps d'expliquer, tant c'est simple pour lui. Au final, je ne maîtrise pas vraiment le panier, mais par contre, les animaux, je gère, et j'ai même ajouté l'oiseau de paradis à ma collection.









La journée s'est envolée et alors que le soir vient je prépare mes affaires pour partir, déjà, demain matin tôt. J'ai 1300 kilomètres à faire, 14h de route qui vont s'étirer sur deux jours et demi, si je veux être à Gin Gin un peu avant Noël et m'intégrer un peu à la famille qui m'accueille avant les jours de fête.

samedi 19 janvier 2013

Tresser les palmiers, jour 1

De ces deux jours avec Kate et Stuart je garde une sensation de bouillonnement, d'intensité incroyable.

Déjà parce qu'à peine arrivée et mes affaires posées, la maison est envie de jeunes adultes et d'enfants (plus un bébé labrador) qui sont des amis du couple et qui viennent profiter de la fraîcheur de la rivière qui coule en contrebas de la propriété. C'est donc parti pour la rivière, où nous nous gorgeons de pastèque, de baies sauvages rouges, pointues et très riches en vitamine C vu le gout,  mais aussi d' "ice cream beans" de longues cosses de haricots, larges comme la moitié de la main, et remplies d'une chair duveteuse à la saveur douce, enrobant des haricots très noirs, et lisses comme des galets de massage. Plouf plouf, tout le monde à l'eau, ça saute des reste d'un ancien pont, ça rigole et s'éclabousse, ça attrape le chiot qui, même soulevé hors de l'eau continue à pédaler des 4 pattes. J'en profite pour beaucoup discuter avec Tania, une allemande venue ici par amour pour son australien de compagnon et vivant avec lui, leurs enfants, le chiot, une vache et des poules dans une petite propriété du côté de Kuranda. Dommage que je n'ai pas su cela avant car le courant passe bien entre nous et on passe la majeure partie de notre après midi allongée sur le fond de la rivière, la bouche au ras de l'eau, à papoter.

Retour dans l'incroyable maison que Kate et Stuart ont construite de leur main, on se régale de pizzas faites maison et d'un incroyable gâteau chocolat/coco/banane sans chocolat (la magie du black sapote, aussi appelé chocolate pudding, un fruit tropical brun et spongieux qui, une fois cuit, a un gout chocolaté). Puis on pousse la table et on descend la balançoire. La quoi??? Oui, au centre de la pièce, un immense panier suspendu permet de faire de la balançoire, ou plutôt, de la balancelle. Je ne peut pas résister à l'envie de m'y pelotonner  et Kate me prend en photo, en flagrant délit de régression.

Stuart, qui, même auprès de l'eau, avait toujours de quoi tresser dans les mains,
 s'est remis à l'ouvrage dès qu'on est revenus à l'intérieur.





Et puis aussi vite qu'ils sont arrivés, les visiteurs repartent, me laissant un peu étourdie, à musarder dans la maison en mitraillant de photos tellement je trouve ça beau.




Cette meringue aérienne, c'est mon lit enveloppé de sa moustiquaire protectrice
vue de ma fenêtre
ma porte vers l'extérieur












recto
verso







  



Depuis l'intérieur du panier
Mais assez rapidement, il est temps de se mettre à l'ouvrage! Dans un premier temps, Stuart me fait préparer  les palmes pour qu'il puisse le tresser, puis me montre, très rapidement (trop peut-être) le tressage d'un bol, et celui d'un chapeau. Si le bol m'intéresse, le chapeau moins, car je sais que jamais je ne le mettrais. Mais ce qui débloque tout, c'est les petits animaux en palme, comme ceux qu'on avait acheté en Guadeloupe avec mes parents. Une étoile, un poisson, une crevette et une sauterelle, ma première leçon sera riche et prolifique. Je fais, refait, défait, essaye de comprendre, regarde, analyse, réussit! Refait. Juste pour être sûre d'en avoir la maîtrise. Je leur ai dit que j'étais attendue pour Noël, dans une famille avec 5 enfants entre 2 et 13 ans, et Kate n'a donc de cesse de m'apprendre ces petites choses, et des décorations balinaises, toujours à base de palme.







Le repas de ce soir là, végétarien, est riche, goûtu, et assez rapidement après nous filons au lit, épuisés de notre journée à créer et batifoler dans l'eau.

vendredi 18 janvier 2013

Des laitues à Mission Beach

De Paronella à Mission,
l'orage menace mais l'arc-en-ciel me fait un clin d'oeil

C’est un peu à reculons que j’arrive chez Peter et Laurie Trott. La vérité est que je souhaitais m’extraire au plus vite de Machans Beach après un séjour bien plus long que prévu. Aucun hôte ne m’avait répondu en cette période pré-Noel, excepté eux, mais sur un ton qui ne m’avait pas trop enthousiasmée. Dès mon arrivée cependant, en voyant le visage de Peter qui ressemble tant à tonton Claude, je me dis « Lui, je l’aime bien ! ». Pour elle, je suis plus réservée, d’emblée. 

Peter et Laurie font pousser des salades en hydroponie, c’est-à-dire hors sol, dans des tables de cultures où les plantes sont alimentées par un milieu nutritif. C’est très (trop?) artificiel pour moi, mais j’ai envie de voir à quoi ça ressemble précisément.

Je leur ai annoncé que je travaillerais volontiers plus de 4h par jour et ils vont me prendre au mot. Durant les 5 jours où je vais rester, le réveil se fera autour de 5 ou 6h le matin, pour commencer par sortir les salades de leurs alvéoles et les empaqueter dans des feuilles plastiques puis dans des cartons, les jours de livraison. Le reste du temps, et comme on est en fin de saison (ils prennent 1 mois de vacances dans 1 mois), il y a des tables de culture à nettoyer, à grand renfort de jet d’eau et de brossette (et avec un merveilleux tablier en plastique qui me couvre jusqu’à mi-mollets). Mes autres tâches se répartirons entre récolter et trier les litchis, en essayant de ne pas se faire bouffer cru par les fourmis vertes, arroser les arbres natifs qu’ils ont replantés après la dévastation causée par les deux cyclones Larry et Yassi, et planter des jeunes pousses dans les tables toutes propres. La plantation en soit est incroyablement simple mais souligne encore l’artificialité du système : on met le système de nutrigation en route, on en vérifie le débit, puis on pose un plant dans chaque alvéole, et voilà, c’est planté !









Quelques uns des arbres à litchis, et à fourmis

Citrons et Pomelos

Mais mais...?

Mais oui! C'est un mimosa timide!! (appelé ici Sensitive weed)
Et il y en a PARTOUT partout partooouuuutttt! Guiliguili!

Argh, moins guili du coup.
Cette charmante bestiole est un peu plus grande que ma main.



L'après-midi, comme il fait chaud, on va se baigner dans la petite rivière voisine

Ce qui m’intéresse plus, c’est leur histoire. Laurie et Peter sont tous les deux (ou plutôt ont été) journalistes, et ont toujours eu des fermes à côté, preuve s’il en est que ce mode de vie est possible. A l’inverse d’autres habitations que j’ai pu voir jusqu’ici, leur maison est très européenne, décorée d’un certain nombre d’œuvres d’art. Moi, je dors dans mon campervan et je fais ma toilette dans la douche sommaire de la grange, car leur petite-fille occupe la chambre d'amis. Mais ça ne me gêne pas, ça me donne l'occasion de bien apprivoiser mon van, et de profiter de la fraîcheur des nuits, toutes portes et coffre ouverts mais protégés par des moustiquaires.

De ces quelques jours passés sur place, j’aurais une assez bonne vision de la dynamique de leur couple, qui va me donner envie de fuir très rapidement. Peter, bien plus âgé que Laurie, travaille comme un âne dans la ferme tandis que Laurie (probablement occupée par la présence de sa petite fille, puis de sa sœur malade) ne fait pratiquement rien, mais trouve le moyen d’être épuisée tout de même et de toujours être critique voir vraiment désagréable vis-à-vis de son mari. Une ou deux fois, alors que nous parlons toutes les deux et que la conversation est plutôt plaisante, je me retrouve à l’écouter critiquer ses décisions et son comportement, ce qui me met plus que mal à l’aise. Ajoutez à ça le fait que Hanna est très demandeuse d'attention, toujours à couiner qu'elle s'est fait atrocement mal ou que quelque chose ne va pas, et que Laurie lui fait tout le temps remarquer qu'elle est trop grosse, attitude dont j'essaye gentiment de lui expliquer que s'il est important de faire attention à ce que mangent les enfants, leur reprocher leur poids peut engendrer à moyen et long terme un vrai traumatisme... Et oui, vous imaginez pourquoi j'ai envie de bouger.

A côté de ça, Mission Beach en soi, le petit village qui se situe à une dizaine de minutes de voiture, est plutôt charmant, avec une très belle plage, quelques cafés et magasins, notamment de fringues et un excellent magasin bio, de nombreux campings, villages de vacances et hôtels pour backpackers. Juste en face, les îles de la barrière de corail font de l’œil aux backpackers et le lieu est un spot de saut en parachute.

Tous les deux impliqués dans la sauvegarde du patrimoine local, Laurie et Peter s’occupent respectivement d’un projet d’affichage permanent autour d’une localité voisine qui mettra à l’honneur les paroles d’une ancienne de la tribu aborigène locale (travail pour lequel Laurie me demande mon expertise de confrère et écoute avec intérêt mes remarques) et de faire des visites guidées du parc naturel voisin, avec présentation des plantes et animaux. Car dans le coin vivent de nombreux Cassowary, même si je n’aurais pas la chance d’en voir. Pour une de ses présentations, Peter a tressé un petit panier et je lui exprime mon intérêt, ce qui, par un curieux concours de circonstances, m’amènera directement chez mes hôtes suivants.

Car Peter et Laurie connaissent Kate et Stuart, un couple de tisseurs de fibres qui produisent des paniers, notamment en palme de coco, et qui vivent tout juste dans les environs. Mais le timing est un peu complexe car Noel approche et, même si ce n’est jamais dit clairement, il est plus que clair qu’ils ne souhaitent pas m’héberger à ce moment. Ce qui tombe bien, car j’ai plutôt envie de partir. Entre l’artificialité de leur agriculture (la préparation des cuves de nutriments, par addition de quantités précisément mesurées de produits chimiques en poudre m’a plus que convaincue que je ne veux pas m’engager là-dedans) et l’ambiance très tendue entre eux, il est déjà temps de prendre l’air. 

Par chance ( Mais est-ce bien de la chance ? depuis le début de ce voyage, et même le début de ce projet, dès que j’ai vraiment envie de quelque chose, cela arrive.), nous rencontrons justement Kate au marché, où j’avais hésité à venir. Ce sera ma récompense pour avoir arpenté des heures le marché de quelques allées en compagnie de Laurie, qui connait tout le monde et s’arrête tous les deux pas, Hanna sa petite-fille, dont l’enthousiasme et le consumérisme me glacent, et Lauren, qui « a un cancer tu comprends donc il faut être gentille avec elle », dixit Hanna. En tout cas Kate est plus que ravie à l’idée que je vienne leur donner un coup de main à tresser quelques paniers avant le grand rush du dernier marché avant Noël, et même si ce n’est que pour quelques jours. Ayant trouvé un hôte qui veut bien m’héberger pour la période des fêtes, mais qui se situe à plusieurs jours de route, je la prends au mot et saute sur l’occasion.

Une dernière matinée de travail avec Peter pour le décharger un peu de ces longues journées de travail les jours de distribution, un copieux petit déjeuner en compagnie de Laurie, une dernière photo avec Hanna et une de leurs poules qui s’invite dans le cadre, et me voilà donc partie, J+6 après mon arrivée, et gaie comme un pinçon. Il est 8h du matin, la journée est à moi et je vais apprendre à tresser des paniers !

Au final, je n'aurais pas vraiment eu le temps de me connecter à ces hôtes, je n'ai fait que passer dans leur vie, la période pré-Noël n'étant pas vraiment idéale et la présence de la famille non plus, mais vu que cela m'a mis sur la route de Kate et Stuart, je ne regrette pas.