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Une frenchie à la découverte de l'autre bout du monde, partie voir là-bas si j'y étais.

lundi 19 novembre 2012

Un dimanche en forêt

Le temps passe et j'ai du mal à écrire le dernier jour de mon séjour chez Nadine et Sarah. Il faut dire que malgré les évènements riches en adrénaline (ou peut-être en partie grâce à eux) j'ai passé de très bons moments ici, au calme, sereine, avec la sensation rassurante que la vie peut-être aussi simple et aussi auto-suffisante que ça. Quelques poules, quelques chèvres, un potager, une voiture pour deux et un boulot à mi-temps. Mais allons-y pour la dernière journée.

Ce dimanche, une fois les tâches matinales expédiées, on part en forêt. Comme il a fait humide et plu ces derniers jours, je suis prévenue qu'il risque d'y avoir des sangsues (elles m'auront tout fait...). On se couvre donc en conséquence, mais sans oublier nos maillots car au fond de la forêt coule une rivière. Un petit détour par le marché de Speewah, où je règle rapidement les détails de mon transfert du lendemain avec Allister, et nous voilà partie pour la journée. La voiture de location perd un peu d'essence, et est si basse qu'on se demande à un moment si on va réussir à passer la piste qui mène au chemin de promenade. Mais finalement tout va bien, on se gare sur le bas côté et on commence une ballade de quelques heures dans la forêt pluviale australienne.


De ce qu'elles m'expliquent, l'endroit est un ancien lieu de coupe et de débardage à cheval, et le premier chemin est large en conséquence. Le sous-bois est en fait assez sec, et nous ne devrions pas avoir à nous soucier de sangsues. Les premiers signes de présence animale se présenteront sous la forme d'excréments (frais) de Cassowary, cet animal de près de 2m qui est de plus agressif mais qui est aussi complètement nécessaire à la survie de la forêt puisqu'il permet la germination d'une bonne partie de ses graines, une fois qu'elles ont transité par son système digestif. Trace, mais pas son, et nous continuons notre ballade, moi m'émerveillant de la nature environnante. Certaines lianes, couvertes d'épines, pendent paresseusement en travers du chemin. Nadine, qui n'est jamais en reste d'une histoire horrible, m'explique qu'elle en a pris une dans l'oeil une fois (désolée Violaine, je sais... c'est rien, elle va bien, son oeil va bien, j'arrête de parler d'oeil) et, m'invite à jouer de l'opinel qui ne me quitte pas pour en éliminer une bonne partie. Elles sont effectivement acérées comme des couteaux et également très résistantes.

Cette perle naturelle et incroyablement brillante, c'est une noix de muscade et son macis


Pas pu m'empêcher de siffloter "l'air du vent" en songeant à Pocahontas, de Disney.
Assez rapidement on passe sur du chemin bien plus étroit et plus raide, où on ne peut passer qu'à un de front, et je laisse Nadine mener. C'est qu'il y a parait-il des serpents ici, et elles sont plus habituées que moi à scanner les environs. Un mouvement sur ma droite me fait bondir à un moment, car vu l'intensité du frissonnement des feuilles, il s'agit de quelque chose d'assez gros. Comme un gros lézard, un serpent, un petit rongeur. C'est à ce moment que je remarque que j'ai le pied sur une branche qui traverse le chemin. Et que si je le soulève puis le redépose sur la branche, les feuilles à ma droite bougent. Ahem. Effectivement, c'est quelque chose d'assez gros. Une soixantaine de kilos à vue de nez. Me moquant de moi à mi-voix, je rejoins Nadine, qui est déjà arrivée au premier trou d'eau et lui raconte, histoire qu'on soit deux à se moquer.

L'endroit est irréel, complètement magique. Un ruisseau serpente entre de gros blocs de pierre et se jette dans une sorte de piscine naturel à l'eau claire comme du cristal, où barbotent des petits poissons et des écrevisses. A priori, pas de crocodile. A priori. De toute façon l'eau est tellement froide qu'on ne fait guère qu'y barboter quelques instants. Un délice après la descente qui a été plutôt chaude.




Salut toi, ce soir on mange tes copines!
Petit pique-nique, et on repart pour un deuxième spot en suivant la rivière jusqu'à l'endroit où elle cascade et va se jeter, une trentaine ou quarantaine de mètres plus bas, dans une autre piscine naturelle. Nadine, toujours téméraire, me dit qu'elle cherche depuis des années un moyen de descendre, et commence à regarder de nouveau comment s'y prendre, sous les exclamations effrayées de Sarah. C'est que c'est haut tout de même.

Ici c'est le royaume de la plante epiphyte


Oh, une epiphyte en forme de coeur!
A défaut de descendre, on reste là un bon moment à papoter de nos vies, les pieds dans l'eau fraîche et les maillots qui sèchent sur la pierre chaude. J'aime leur vie, simple, emplie de petits bonheurs, même si tout comme Sarah je ne sais pas si je pourrais un jour me faire à un pays qui a une "saison des catastrophes"...
La remontée est moins sympa que la descente car l'air est aussi plus lourd, mais là encore de belles choses nous attendent : point de vue sur la mer, arbres géants au tronc rectiligne qui servaient pour les mats des bateaux... Plus confiante, je prend à un moment la tête, pour me faire brusquement retenir par le bras par Sarah qui murmure "snake". Un bond en arrière (alors que je suis à plusieurs mètres du serpent, soyons honnête) et je regarde, fascinée, Nadine s'approcher de ce que moi je n'aurais jamais remarqué : un long et fin serpent vert fonçé, extrêmement délicat, qui finit par s'éloigner en sinuant. Et hop, encore une petite bouffée d'adrénaline. Je repasse à l'arrière, donc, hein.











La bouffée suivante ne tarde cependant pas. Qu'est ce que... mais c'est un rugissement! Il y a des tigres en Australie??? Non. Il n'y en a pas. Mais il y a des Cassowaries. Le rapport? Ben un Cassowary ça cri comme ça  Et ça fout les jetons quand on est au milieu de la forêt et qu'on ne sait pas s'il est devant ou derrière nous. Non parce que moi, être picorée à mort par un bestiau de 2m, ça me tente moyennement... Mes hôtes n'ont pas l'air tellement rassurées non plus et pour détendre l'atmosphère, je commence à blaguer sur le fait de partir en courant les bras au dessus de la tête, histoire de lui faire croire qu'on est plus grandes que lui si jamais on le croise. 

Au final, la remontée se déroule sans incidents, et une bonne tranche de pumkin cake fait par mes soins en adaptant la recette d'Eugeny nous attend à la maison, avec un bon thé, pour nous remettre de nos émotions. En passant je prend enfin en photo une maison que je reluque depuis des jours, sans jamais avoir demandé qu'on s'arrête. L'arbre à côté, de ce violet très étonnant que la photo ne rend pas assez bien est un Jacaranda. Ça, les frangipaniers et les poinciana, des arbres sublimes et rouge feu, se sont de vrais régals pour les yeux...




C'est ensuite la valse lente du ré-empaquetage des affaires, où je me maudis pour la quarantième fois d'avoir "tant" de choses et un si petit sac. Mais tout fini par rentrer, en forçant un peu, et, pour le dernier repas, nous nous attablons devant les écrevisses pêchées dans la mare. Un vrai délice. On se détend, on blague à propos des derniers évènements  personne n'a trop envie d'aller se coucher... Et puis un cri horrible déchire la nuit. Une sorte de Blllblblblblblblblblblblleeeee furieux, accompagné de grands bruits. Pas le temps de comprendre, Sarah et Nadine ont sauté sur leurs pieds et sur la lampe torche en criant "un serpent!"/ "le coq!", et filent vers le poulailler. Le faisceau de la lampe s'agite un moment, et Nadine confirme "c'est un python! Là, dans l'arbre. Mais c'est bon, Harry n'a rien!". Harry, le coq challenger, qui dort dehors, dans un arbre, pour ne pas se battre avec le dominant, et qui vient de peu d'échapper à la strangulation.

Le pauvre bestiau tourne en rond, complètement paniqué, et pour être sûres qu'il ne risque rien, mes hôtes décident de l'attraper et de le mettre en sécurité dans une boîte à l'intérieur de la maison. Il faut pas moins de nous 3 et des deux chiens pour arriver à circonvenir l'animal, qui pousse des petits "cot" piteux et angoissés. On va ensuite voir le serpent de plus près, et, perché en hauteur, sur de lui avec ses deux mètres trente, celui-ci nous tire la langue... La décision suivante de Nadine m'est plus difficile à comprendre. Approchant l'échelle, elle monte décrocher le reptile, pour l'enfermer lui aussi dans une boîte. Sarah en profite pour me préciser que Nadine a eu des serpents comme animaux de compagnie en Allemagne  et qu'elle sait donc comment les gérer. Et en effet, alors qu'on vérifie qu'Harry va bien, Nadine arrive les bras chargés d'anneaux et dépose le serpent sur l'appui de la fenêtre intérieure, où il commence à s'écouler vers le sol. Je fais évidement encore un bon en arrière, derrière Sarah.


Pas tellement impressionnée Sarah. Elle aide Nadine à empiler les anneaux dans une petite boîte en plastique, qu'on sécurise avec un rondin, juste parce que je psychote un peu. Nadine envisage de déposer le serpent dans le toit pour se débarrasser des rongeurs qui y font la java depuis près d'une semaine. Ah ouiiii?? Mais il ne risque pas de redescendre de lui-même...? Finalement c'est peut-être bien que je parte. Dire que David m'avait dit peu après mon arrivée que si je voyais 5 serpents durant tout mon trip je serais chanceuse. J'en suis déjà à 2 en une journée.

Et le troisième ne tarde pas. Sauter hors du couvert de la terrasse nous a permit de nous rendre compte que le ciel est incroyablement pur après ces journées de fumée et de nuages. Les étoiles sont magnifiques et on décide de se rendre du côté des mares pour les voir encore mieux. Nadine part en éclaireuse et je l'entend me crier "Si tu veux voir un troisième serpent...". Je me précipite puis bas en retraite en réalisant qu'elle tient le serpent à la main. C'est un serpent arboricole, comme le vert de cet après-midi, mais marron cette fois, et à ce que j'en sais, un peu venimeux. Ca n'a pas l'air de les déranger, ni l'un ni l'autre, et une fois qu'elle l'a remis à terre il file s'enrouler autour de l'arbre le plus proche. C'est donc les deux pieds bien ancrés au sol, sans bouger, que je lève la tête vers le ciel de l'hémisphère sud pour ma première vraie vision de cette immensité inconnue.

Que d'aventures...

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