Qui êtes-vous ?

Une frenchie à la découverte de l'autre bout du monde, partie voir là-bas si j'y étais.

jeudi 8 novembre 2012

C’est beau un feu la nuit – partie 2

Mardi. Pour s’assurer que le feu restera contrôlé, la brigade envisage de lancer des backburns tout le long de Fantin Road, y compris au départ de la propriété, ce pour quoi Sarah n’est pas du tout chaude, car il arrive fréquemment que des feuilles enflammées s’échappent et provoquent un nouveau départ de feu. De toute façon, la décision ne sera pas prise avant 15h, alors avant, on continue à préparer la maison. On ratisse, on déplace des centaines de branches mortes, allant de la brindille à l’arbre entier, et je ne peux m’empêcher de me sentir complètement impuissante, avec ma brouette et mon râteau, à déplacer le matériel inflammable de l’autre côté du firebreak, sans être bien sur que ce n’est pas de ce côté-là qu’arrivera le feu cette fois. Il y a une sorte d’urgence dans l’air, et en même temps, on peut difficilement faire mieux que ce qu’on fait là. On lance aussi les arroseurs automatiques, pour saturer le sol en eau et on préparer le déjeuner.

Finalement, la décision est prise de ne brûler que de l’autre côté du premier ruisseau. Je vais donc encore une fois rester ici à faire le guet, mais Nadine me propose son vélo si je veux aller jeter un œil aux dégâts de la veille et aux actions du jour. Ce que je fait donc, en restant à bonne distance pour ne pas les déranger.




Nourriture réconfortante
et lecture adaptée
 En partant, elles m'ont demandé de nourrir les animaux et de faire rentrer les poules si elles ne sont pas rentrées avant la nuit, ce qui est peu probable. C’est pourtant ce qui se passe, car, de ce qu’elles me disent en rentrant passablement fourbues, elles ont lancé des backburns sur des propriétés privées qui voulaient se protéger d’un possible retour du feu et ont dû en relancer certains plusieurs fois pour qu’ils prennent. Si je ne les ais pas attendues pour manger, j’ai cuisiné pour elles, testant de nouvelles recettes et essayant de préparer un repas à la fois beau et suffisamment nourrissant pour elles qui se sont démenées toute la journée. Une fois leur repas englouti, elles me proposent un tour en voiture pour aller voir ce qu’il en est. 

J’accepte, enthousiaste, et nous retournons là où nous étions allées le dimanche soir. Le feu continue à ravager la colline, s’étendant bien plus encore qu’hier, mais cette fois coincé dans une boucle autour de laquelle tout a été brûlé par les zélés volontaires, et le carnage s’étend sur des dizaines (des centaines ?) de kilomètres carrés. Les flammes, bien visibles, se détachent sur le fond noir de la forêt ou se mêlent à la fumée en une formidable fresque de rouge, orange, jaune, parme…





Je n’avais pas compris que ça brûlait encore autant et rapidement mon état d’esprit change. J’ai l’impression qu’on roule sans fin le long de ces bas-côtés qui brasillent toujours, dans la fumée légère et parfumée des cyprès brûlés. Le dernier backburn est bien parti et brûle toujours haut et clair. J’y aperçois, au loin, une forme enflammée qui se tord et se contorsionne, comme si un immense phénix essayait de s’arracher au sol mais y restait prisonnier, à se consumer. C’est trop, toute cette vie végétale et animale, ces hectares ravagés à titre préventif. J’ai le cœur au bord des lèvres et des larmes qui me montent aux yeux, quand soudain Sarah crie à Nadine de s’arrêter, car elle a vu une silhouette humaine. Fausse alerte, mais ça ne fait que renforcer mon malaise et je me prostre au fur et à mesure que défile le paysage nocturne et brasillant. Oubliées les photos, j’ai juste envie de rentrer et de me coucher.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire