Mardi. Pour s’assurer que le feu restera contrôlé, la
brigade envisage de lancer des backburns tout le long de Fantin Road, y compris
au départ de la propriété, ce pour quoi Sarah n’est pas du tout chaude, car il
arrive fréquemment que des feuilles enflammées s’échappent et provoquent un
nouveau départ de feu. De toute façon, la décision ne sera pas prise avant 15h,
alors avant, on continue à préparer la maison. On ratisse, on déplace des
centaines de branches mortes, allant de la brindille à l’arbre entier, et je ne peux
m’empêcher de me sentir complètement impuissante, avec ma brouette et mon râteau,
à déplacer le matériel inflammable de l’autre côté du firebreak, sans être bien
sur que ce n’est pas de ce côté-là qu’arrivera le feu cette fois. Il y a une
sorte d’urgence dans l’air, et en même temps, on peut difficilement faire mieux
que ce qu’on fait là. On lance aussi les arroseurs automatiques, pour saturer
le sol en eau et on préparer le déjeuner.
Finalement, la décision
est prise de ne brûler que de l’autre côté du premier ruisseau. Je vais donc
encore une fois rester ici à faire le guet, mais Nadine me propose son vélo si
je veux aller jeter un œil aux dégâts de la veille et aux actions du jour. Ce que je fait donc, en restant à bonne distance pour ne pas les déranger.
Nourriture réconfortante et lecture adaptée |
En partant, elles m'ont demandé de nourrir les animaux et de faire rentrer les poules si elles ne sont pas rentrées avant la nuit, ce qui est peu probable. C’est pourtant ce qui se passe, car, de ce qu’elles me
disent en rentrant passablement fourbues, elles ont lancé des backburns sur des
propriétés privées qui voulaient se protéger d’un possible retour du feu et ont
dû en relancer certains plusieurs fois pour qu’ils prennent. Si je ne les ais
pas attendues pour manger, j’ai cuisiné pour elles, testant de nouvelles recettes et essayant de préparer un repas à la fois beau et suffisamment nourrissant pour elles qui se sont démenées toute la journée. Une fois leur repas
englouti, elles me proposent un tour en voiture pour aller voir ce qu’il en
est.
J’accepte, enthousiaste, et nous retournons là où nous étions
allées le dimanche soir. Le feu continue à ravager la colline, s’étendant bien
plus encore qu’hier, mais cette fois coincé dans une boucle autour de laquelle
tout a été brûlé par les zélés volontaires, et le carnage s’étend sur des
dizaines (des centaines ?) de kilomètres carrés. Les flammes, bien
visibles, se détachent sur le fond noir de la forêt ou se mêlent à la fumée en
une formidable fresque de rouge, orange, jaune, parme…
Je n’avais pas compris que ça brûlait encore autant et
rapidement mon état d’esprit change. J’ai l’impression qu’on roule sans fin le
long de ces bas-côtés qui brasillent toujours, dans la fumée légère et parfumée
des cyprès brûlés. Le dernier backburn est bien parti et brûle toujours haut et
clair. J’y aperçois, au loin, une forme enflammée qui se tord et se
contorsionne, comme si un immense phénix essayait de s’arracher au sol mais y
restait prisonnier, à se consumer. C’est trop, toute cette vie végétale et
animale, ces hectares ravagés à titre préventif. J’ai le cœur au bord des
lèvres et des larmes qui me montent aux yeux, quand soudain Sarah crie à Nadine
de s’arrêter, car elle a vu une silhouette humaine. Fausse alerte, mais ça ne
fait que renforcer mon malaise et je me prostre au fur et à mesure que défile
le paysage nocturne et brasillant. Oubliées les photos, j’ai juste envie de
rentrer et de me coucher.
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