Mercredi matin il y a encore des choses à faire pour s’assurer que la propriété est en sécurité, dans le cas improbable où le feu reviendrait. On ratisse encore des montagnes de feuilles mortes et puis on part en
ville, à Mareeba, chercher de quoi mettre en place un système d’arrosage
automatique capable de couvrir toute la longueur de clôture de la propriété. Je
suis exténuée alors pourtant que je n’ai pas tant bossé que ça ces derniers
jours. Mais il semble que malgré le calme que je pensais avoir ressenti ces derniers jours, le stress lié au feu m’a complètement vidée.
Mareeba, qui se targue de 300 jours ensoleillés par an, est une bourgade rurale australienne assez typique, avec des maisons individuelles dans ses rues perpendiculaires et un tas de magasins spécialisés dans l’irrigation, l’alimentation animale etc. On y fait également des courses alimentaires et je bataille avec Nadine qui ne veut pas qu’on achète d’œufs alors qu’elles ont des poules. Fair enough, mais il nous manque tout de même 2 œufs pour faire et le carott’cake d’Eugeny et le flan chèvre-carotte-courgette de maman. Pour se départager, on appelle Sarah, qui va vérifier le poulailler et revient m’annoncer que les poules ont pondu 3 œufs supplémentaires. Sauvées ^^
Sur le chemin du retour, je prends quelques photos à la volée des paysages puis reste de nouveau hébétée devant les cicatrices du feu autour de la route qui nous ramène à la maison.
Alors que la voiture gravit
péniblement la piste qui mène à la maison, alourdie par sa remorque
pleine de matériel d’irrigation et de nourriture pour animaux, une voiture
surgit de notre côté de la route. Je sais avant même l’impact qu’elle va trop
vite et qu’on va se la prendre de face. Et effectivement, alors que nous sommes
presque à l’arrêt, l’autre conducteur nous percute de plein fouet. Je bénis la
ceinture de sécurité qui vient de s’incruster dans ma chair et rouvre les yeux. Saleté de réflexe de l'autruche.
Tout semble aller bien, pas de bobo, juste de la taule, et encore, surtout de
notre côté, car son gros 4x4 n’a rien. En revanche la petite suzuki de Nadine
est bien pliée et arbore un négatif de la plaque d’immatriculation du
chauffard. Le jeune homme est désolé et Nadine très détendue au final, donc ils
se mettent d’accord et tout s’arrange pour le mieux. Deux véhicules passant par
là nous ramènent à bon port, ainsi que la remorque, et commence le lent balais
des procédures. Appeler l’assurance, déclarer à la police, faire enlever la
voiture, qui est toujours au milieu de la route, en warning…
Le jeune homme hilare de soulagement, c'est notre chauffard! |
Alors que le choc s’estompe, je commence à sentir ma nuque
qui me lance, probablement du fait que je me suis contractée au moment du choc,
ce qui réveille ma douleur chronique au trapèze. Une légère migraine pointe
également, mais ne s’étend pas plus. Secouée mais entière, je m’occupe des
animaux mais abandonne rapidement mes velléités de cuisine. Ce soir, ce sera
d’abord un bon tchaï au lait, puis des pâtes aux légumes, avec plein de fromage
de chèvre mariné. De la nourriture câlin, réconfortante.
On se serait bien pris
une bière, mais la police va venir nous interroger sur l’accident, et
probablement faire un alcootest à Nadine, donc il vaut mieux éviter. Les
officiers m’interrogent également, me demandant de raconter ma version des faits,
et je raconte que nous étions sur le « right side of the road »,
espérant qu’ils comprennent que je veux dire right par opposition à wrong et
non pas par opposition à left, car ici, on conduit évidemment à gauche, qui est
donc le « right side ». Complexe… Le policier qui résume mon récit me
rassure et ils prennent mon numéro et mon identité, au cas où le responsable de
l’accident conteste son amende et que je doive témoigner.
Notre « devoir » accompli et le ventre calé de pâtes au fromage, nous allons faire un tour, à pieds, évidemment, pour vérifier que le feu est toujours sou contrôle. Si des lueurs rougeâtres subsistent encore à l’horizon, ce que nous pouvons voir à pied est rassurant. Je me concentre donc sur la progression des teintes qui colorent la lune au fur et à mesure de son ascension dans le ciel.
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