Ahh l’australie, ses grands espaces quasi vierges de
présence humaine, sa faune et sa flore si dépaysantes, ses couleurs, ses feux
de forêt…
Je crois que mes hôtes actuelles vont devoir actualiser leur
entrée dans le wwoof book et ajouter «be prepared for and experiment a real
bush fire ». Car oui, nous avons eu à gérer un feu dans le bush. Que ceux
qui commencent à s’inquiéter se rassurent tout de suite, je
vais très bien, mes hôtes aussi et la propriété n’a rien. On a juste eu une
grosse frayeur, mais le feu a finalement été maîtrisé et détourné.
Ça commence dimanche en fin d’après-midi, alors que je
désherbe le potager avec Sarah. Alors que nous avons presque fini elle me fait
remarquer une colonne de fumée. Ayant vu un de leurs lointains voisins faire
brûler son champ (pratique culturale apparemment courante dans le coin) un peu
plus tôt dans la journée, je lui dis que c’est surement ça. Très bien. Mais ce
n’est pas la bonne direction.
Nadine, qui s’apprêtait à faire un tour avec les chiens, va
donc voir en voiture et revient nous prévenir qu’effectivement, ça brûle un peu
plus haut sur la colline, mais c’est pour l’instant très loin, il n’y a pas de
raison particulière de s’inquiéter (ah bon ?). Elle alerte tout de même la
brigade anti-feu du coin et passe un certain nombre de coup de fils. Ayant été
la première à le reporter, c’est un peu devenu « son feu » et elle
est excitée comme une gamine. Moi, pour l’instant, je ne réalise pas vraiment.
Première vision, de nuit |
De ce que je comprends, le feu brûle en descendant la
montagne, ce qui fait qu’il avance très doucement et qu’il n’y a aucune raison
de s’affoler, il ne nous touchera pas de ce soir. Sarah et Nadine discutent
d’ailleurs âprement pour savoir si Nadine doit aller travailler ou pas demain
et si elle aura le temps de revenir en cas d’urgence car Sarah a déjà du dealer
seule avec le dernier feu, à coup de serviettes humides et de rateau, et ne
veut pas recommencer. On va se coucher sur la promesse que Nadine ira jeter un
œil demain matin, et qu’en fonction de la situation, elle avisera.
Au matin, ça s’est manifestement corsé, car Nadine me
prévient que quelque chose va arriver aujourd’hui, même si on n’en connait pas
encore l’ampleur. On commence donc à s’organiser en fonction, en ratissant les
firebreaks, en déplacant les morceaux de bois morts pour ne pas les laisser
entre le possible trajet du feu et la maison, en remplissant des baquets d’eau
et y plaçant des serviettes… Vers 10h-10h30, elles enfilent leurs tenues,
détendues, et vont rejoindre le reste des volontaires du comté,
pour voir ça de plus près et prendre les mesures nécessaires. Quant à moi, je
dois rester à la maison, garder un œil sur la fumée et faire régulièrement le
tour de la propriété pour m’assure que le feu ne nous prend pas par surprise.
En cas de flammes, il me « suffit » d’appeler le 000 et de donner
leur adresse pour que je sois mise en relation avec elles par liaison radio. Et
elles arriveront immédiatement avec les camions pompes. Mais il n’y a aucune
raison que cela arrive. Et sur ces mots, les voilà parties.
Les heures qui vont suivre seront très étranges. Je n’ai pas grand-chose
d’autre à faire que de continuer à ratisser les firebreaks, et finis par me
poser avec un bouquin, car je n’ose pas prendre le risque de m’immerger
dans un film et de ne pas être assez attentive à la progression de la fumée.
Les camions pompes commencent à venir s’alimenter en eau à la mare qui jouxte
la maison, et au départ, tout le monde est hyper détendu et rigole.
Mais au fur
et à mesure que les heures passent et que les camions reviennent faire le
plein, les visages se tendent. Rougis par la chaleur du feu, ils se couvrent de
marques de suie, et l’ambiance n’est plus à la plaisanterie.
Lors d’une de mes rondes je réalise que la colonne de fumée
s’est transformée en rideau de fumée grasse qui, vu la façon dont il bouillonne
à la base, ne doit plus être bien loin, juste de l’autre côté du sommet de la
colline. Soit à quelques centaines de mètres. C’est à ce moment que je me dis
« Ok, cette fois il arrive », mais je sais qu’il faut que j’attende
de voir les flammes pour appeler et que la dernière chose dont les volontaires
qui combattent le feu ont besoin, c’est de quelqu’un de paniqué qui donne
l’alarme trop tôt.
Ce que j’aperçois alors, même si l’étendue
touchée me secoue, est plutôt rassurant : les longues herbes ont été
coupées sur une bande de plusieurs mètres de largueur qui semble efficacement
couper la route au feu. De chaque côté, près de la forêt et près d’une
maison et de son hangar, des véhicules et des silhouettes s’agitent. La
situation semble sous contrôle. J'apprendrais ensuite que le hangar en question est plein de carburants et que c'était en fait le pic de panique ce moment là.
A peine redescendue à la maison, j’ai pourtant droit à une
seconde secousse quand Warren, un des volontaires venu recharger son camion me
dit rapidement que le feu est difficile à contenir et qu’il se dirige vers la
propriété. Il me conseille de lancer les arroseurs automatiques, ouvrir les
grilles de la propriété si elles sont fermées à clés et me préparer à évacuer en
voiture si on m’en donne l’ordre. No way ! Je ne vais nulle part sans
Nadine et Sarah qui m’ont plutôt conseillé de m’enfermer dans la maison au cas
où les flammes seraient vraiment trop proches. Je n’ai heureusement pas à
prendre de décision car de nombreux autres camions arrivent, dont ceux
contenant mes hôtes, et prennent position autour de la maison.
« Ca va ? » lance-je à Sarah qui a l’air
secouée. « Pas vraiment » me répond-elle laconiquement avant de se
tourner vers Nadine et lui demander, avec dans la voix une fêlure qui laisse sentir l'angoisse « Qu’est-ce qu’on peut
faire ?? ». Rien, apparemment, si ce n’est attendre le reste de la
brigade. Mais les derniers arrivés sont porteurs de meilleures nouvelles. Il
semble que le vent emporte le front plus loin et qu’il est en train de
contourner la maison. Me sentant complètement inutile, j’arrive à attraper
Sarah au passage, lors d’un de ses nombreux aller-retour angoissés qui
commencent à sembler vides de sens.
La mission qu’elle me confie ? Préparer
un casse-croute pour les volontaires. Bon. Il n’y a pas de honte à être celle
qui nourrit les braves. Et vu l’accueil qui est réservé à mes sandwichs par
tous les combattants du feu à portée autour de la maison, l’idée n’était pas
mauvaise. Il faut dire qu’il doit être près de 15h et que ça fait donc 5h
qu’ils sont au front.
Ils repartent rapidement et je me retrouve de nouveau seule à tourner autour de la maison, tout danger immédiat écarté. Alors que la fumée se fait moins dense, je retourne voir de l’autre côté de la colline. Le ciel tout à l’heure bouché s’est éclairci, et la vue est impressionnante. De l’autre côté de la ligne de front, imprimée en noir calciné sur le jaune de l’herbe sèche, s’étend un tapis couleur suie duquel émergent les squelettes des arbres suppliciés. Au-dessus de cette dévastation planent rapaces et charognards, venus festoyer des rongeurs et rampants qui n’ont pas échappé aux flammes. Warren et Sarah m’aperçoivent, à bord de leur 4x4, et m’attrapent au passage pour une « visite guidée » du sinistre. Ils plaisantent, manifestement apaisés, et nous allons voir la ligne de front, roulant au passage dans l’herbe rase qui flambe toujours sous nos pneus.
Nadine, elle, est partie aider la brigade qui défend
maintenant le bourg de Koah, mais la situation semble quasi maîtrisée Nous
allons également voir les champs de leurs voisins, qui ont été pris entre le
feu et le backburn, ces feux contrôlés qu’on allume pour barrer la route au feu
sauvage. Une des voisines manifestement exténuée continue à maintenir les
flammèches en dehors de sa propriété à coup de serviette mouillée et ça brûle
encore bien le long de la rivière, mais plus personne ne semble s’en alarmer
parmi les volontaires. C’est donc à ça que ressemble un feu « maîtrisé » ? En tout cas, nous rentrons à la maison, et avons une soirée presque normale, même si nous allons jeter un oeil en voiture pour s'assurer que le feu est toujours sous contrôle. Alors que je me suis sentie profondément inutile toute au long de la journée, Nadine me réconcilie avec les évènements en me remerciant du fond du coeur d'avoir si bien géré la situation d'urgence et d'avoir "tenu le fort", ce qui leur a permis de combattre le feu sans inquiétude pour leur maison.
Heu, ben merci à vous d'avoir maintenu le feu à distance surtout hein...
Heu, ben merci à vous d'avoir maintenu le feu à distance surtout hein...
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