A force de persévérance, l’ail est rentré avant la première
pluie, et bientôt entièrement snippé. Ce qui est en soi une bonne nouvelle,
mais qui me laisse également plutôt désœuvrée. Car, probablement du fait qu’ils
reviennent juste de 5 semaines de vacances et ont du mal à se remettre dans le
rythme, ou bien de l’après Noël, mes hôtes n’abattent pas une quantité
incroyable de travail et je les vois moins souvent dehors qu'à regarder leurs écrans
(téléphone, ordinateur ou télé, qui débite à longueur de journée une invraisemblable quantité de conneries, pour les deux petits ou les parents).
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Des pattes à l'huile d'olive |
En fait, après la seconde semaine,
alors que les trois grands enfants sont partis en camp scout et que je me
retrouve à m’occuper seule des animaux, je commence à remarquer que je ne vois jamais Robb et Tammy s’occuper des bêtes. C’est moi
qui remarque que certains des poulets boitent, du fait d’un parasite qui se
glisse sous les écailles de leurs pattes, et pousse Robb à venir voir avec moi
et à les traiter, traitement qui consiste simplement à leur enduire les pattes
d’huile d’olive. J’apprendrais dans la foulée à attraper une poule et à la
transporter. Ce qui me vaut de bonnes rigolades, à me balader une
poule sous le bras dès que j’en surprends une en dehors de son enclos.
C’est également moi qui m’inquiète du fait qu’il n’y a pas
12 moutons comme il me l’a dit, mais 11. Nous trouverons le mouton manquant
quelques jours plus tard, mort dans un des prés, manifestement depuis un
moment. Ce qui n’a pas l’air de beaucoup les secouer, vu qu’ils laissent la
carcasse sur place. Enfin, et c’est probablement ce qui me choque le plus,
c’est moi, encore une fois, qui pense chaque jour de grosse chaleur à aller
arroser les cochons et qui m’inquiète quand l’un d’eux refuse de se lever et
reste vautré dans la boue tiède, la respiration sifflante, alors que je l’engloutis sous des litres d’eau fraîche. Plusieurs fois je vais voir mon hôte pour
lui dire que ce cochon ne va pas bien et reviens vérifier l’état de l’animal. Et c’est encore moi qui leur annonce qu’il a l’air d’aller mieux et agit de
nouveau normalement. Pas une fois ils ne s’inquiéteront. Je souligne même qu’il lui faut un abri à l’ombre par ce soleil brûlant et ait droit à un « ah ben oui, mais bon, il y a tellement de choses à faire... ». C'est peut-être moi qui suis trop sensible au bien être des animaux, mais ça me choque énormément. Parce que justement, je ne peux pas dire que je les vois bosser comme des ânes!
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Tweety, Silvester, et Bob, qui est le seul sans abri et sera bien mal en point |
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Les trois petits cochons :D |
En parallèle, on avance à une allure d’escargot sur les
projets de la structure du compost et du jardin potager. On a tout commencé,
rien avancé. Le bulldozer est dans l’enclos des moutons et on a terrassé une
partie du sol. Ça m'a d'ailleurs permis de m'essayer au bulldozer et une chose est sure, c'est puissant et ça secoue ce truc! Je ne suis pas sure d'aimer, même si je conçois que ce soit utile et parfois nécessaire.
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Robb vérifiant le niveau du sol |
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incroyable, Tammy travaille |
On
a délimité avec une corde la zone du potager, et même été poussé le
vice jusqu’à dessiner un plan potentiel et placer quelques planches au sol pour
le visualiser.
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Le "jardin potager" actuel,
quelques aromatiques dans des wicking boxes |
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Ce à quoi le jardin pourrait ressembler, sur papier |
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Et visualisé au sol. |
Mais après 1 à 2h de boulot, chaque jour, ils en ont assez et il
est temps de faire une pause. Et encore, ça c’est les jours où il ne fait pas
trop chaud pour travailler. Alors oui, la température est immonde et le niveau
d’humidité l’est plus encore, qui vous fait vous couvrir de sueur à 6h30 du
matin, parce que vous avez eu le malheur de sortir donner le grain aux animaux.
Mais moi ça ne m’empêche pas durant ce temps de pelleter des brouettes de patates douces, de ratisser des feuilles, du
fumier de brebis, de tondre la pelouse là où sera le potager et en profiter pour
collecter de l’herbe fraîche tout composants dont nous aurons besoin pour la
pile de compost, mais qui restent là sans être utilisés. Oh, et de passer une
journée à garder les petits aussi, pour que les parents puissent avoir un break
en amoureux. Heureusement et assez étonnement, je m’entends bien avec les deux
bouts de chou, comme avec les plus grands d’ailleurs, et je réussirais même à les tenir éloignés de la télé la plupart du temps, à grand renfort de chatouilles, de lancé de frisbee et de "oh et si on allait voir les animaux?".
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Pas facile de faire comprendre à la petite Bobby qu'un chaton n'est pas un jouet |
Comme souvent avec moi et dans ce genre de situation, tout
commence à se fissurer en même temps et des choses qui jusqu’ici m’étonnaient
sans pour autant m’énerver commencent à me porter sur les nerfs. Leur
incohérence totale en termes de nutrition par exemple. Ces gens qui parlent
d’établir un potager, alors qu’ils ont très largement trop d’animaux et s’en
occupent manifestement mal, achètent ces atroces saucisses de viande agglomérée
entourée de plastique, que j’ai réussi à esquiver habilement et dont je ne veux
même pas connaitre la composition ni la provenance. Ajoutez à ça une
consommation incroyable de sodas, sucreries, et le fait qu’ils parlent de
nourrir sainement leurs enfants alors qu’ils achètent chaque semaine, en
supermarché, les sempiternels même légumes et n’ont absolument pas l’air
intéressés par les nouvelles variétés ou céréales dont je leur parle. Même les
graines d’aubergine que j’ai prélevées pour eux restent à sécher dans leur
coin, sur une assiette, avant probablement d’être bazardées dans le (futur)
compost. De toute façon, parmi les nombreuses choses que ne fait pas Tammy, il
y a la cuisine.
Et puis il y a une étincelle de trop : on a finalement
mis un « gros coup de bourre » (quelques heures de boulot) et
commencé à monter les palettes pour la structure de la pile de compost, contre
lesquelles on adosse des bottes de pailles, qui feront l’isolation, que je vais
chercher une à une tout en haut de la pile, à grand renfort de piqûres et de
sueur.
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Tadaaaa on a fait deux des murs! |
Cette fois encore on arrête rapidement, et ma pile d’herbe coupée reste
à côté de la baie à compost entamée mais ni terminée, ni sécurisée, avec des
moutons partout autour. Vous voyez venir le drame ? Oui. Evidemment. De la
bonne paille à portée de mâchoires et EN PLUS de l’herbe fraîche à
grignoter ! Vraiment, on les gâte ces moutons…
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Je suis venu te dire merci pour la bonne paille mise à portée de mâchoires! |
Dans un éclair de lucidité,
je retourne tout de même la brouette sur la pile d’herbe fraîche mais c'est sans étonnement que je constate le lendemain que la plupart des bottes de pailles qu’on avait
ajustées avec soin ont été déchiquetées à belles dents et éparpillées partout…
Evidemment, ils n’ont pas pensé à ça. Et moi, ma motivation vient de
s’effondrer, suivie de près par mon moral. Ça semble stupide, mais j’en chiale
de frustration. Toutes ces belles paroles et ces projets, ces trois semaines
que je viens de passer ici à n’accomplir finalement presque rien, c’est trop
par rapport à toute la bonne volonté, la motivation, les réveils aux aurores et
les heures de travail en plein cagnard, à dégouliner de sueur, que j’ai mis
dans la balance. Plus cette saleté de champignon qui me suit depuis la France
mais s’épanouit pleinement ici dans la chaleur et l’humidité, me décolorant la
peau par petites plaques rondes et qui, après avoir investi mon dos à Cairns,
s’étend maintenant sur mes mâchoires et mes tempes, me faisant ressembler à une
étrange créature exotique. Alors je commence à chercher activement ailleurs,
avec une envie assez violente d’étrangler mes hôtes quand ils me confient
qu’ils ne se sentent pas très motivés en ce moment. Nooooonnn ? c’est
vrai ? Je n’avais pas remarqué…
Et puis l’orage passe, en discutant avec Eugeny notamment,
qui me met comme d’habitude le nez dans mon caca et me fait remarquer que je
suis bien gentille à vouloir accomplir des miracles et apprendre tout en 3
semaines, mais que les gens qui m’hébergent ont également leur propre timing,
que j’arrive dans leur vie et qu’ils ont le droit d’avoir leur rythme et d’être
un peu lents en ce moment. Certes. Ça ne
m’empêche pas de multiplier les envois de requêtes pour de futurs hôtes, mais
au moins j’ai moins envie de faire la gueule à ceux-ci. C’est le premier
avertissement qui me fait prendre conscience que j’attends trop du wwoofing.
Moi la phrase du mouton... j'adore !!!
RépondreSupprimerLou