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Une frenchie à la découverte de l'autre bout du monde, partie voir là-bas si j'y étais.

samedi 2 mars 2013

C'est peut-être pas le paradis finalement...

A force de persévérance, l’ail est rentré avant la première pluie, et bientôt entièrement snippé. Ce qui est en soi une bonne nouvelle, mais qui me laisse également plutôt désœuvrée. Car, probablement du fait qu’ils reviennent juste de 5 semaines de vacances et ont du mal à se remettre dans le rythme, ou bien de l’après Noël, mes hôtes n’abattent pas une quantité incroyable de travail et je les vois moins souvent dehors qu'à regarder leurs écrans (téléphone, ordinateur ou télé, qui débite à longueur de journée une invraisemblable quantité de conneries, pour les deux petits ou les parents).

Des pattes à l'huile d'olive
En fait, après la seconde semaine, alors que les trois grands enfants sont partis en camp scout et que je me retrouve à m’occuper seule des animaux, je commence à remarquer que je ne vois jamais Robb et Tammy s’occuper des bêtes. C’est moi qui remarque que certains des poulets boitent, du fait d’un parasite qui se glisse sous les écailles de leurs pattes, et pousse Robb à venir voir avec moi et à les traiter, traitement qui consiste simplement à leur enduire les pattes d’huile d’olive. J’apprendrais dans la foulée à attraper une poule et à la transporter. Ce qui me vaut de bonnes rigolades, à me balader une poule sous le bras dès que j’en surprends une en dehors de son enclos.

C’est également moi qui m’inquiète du fait qu’il n’y a pas 12 moutons comme il me l’a dit, mais 11. Nous trouverons le mouton manquant quelques jours plus tard, mort dans un des prés, manifestement depuis un moment. Ce qui n’a pas l’air de beaucoup les secouer, vu qu’ils laissent la carcasse sur place. Enfin, et c’est probablement ce qui me choque le plus, c’est moi, encore une fois, qui pense chaque jour de grosse chaleur à aller arroser les cochons et qui m’inquiète quand l’un d’eux refuse de se lever et reste vautré dans la boue tiède, la respiration sifflante, alors que je l’engloutis sous des litres d’eau fraîche. Plusieurs fois je vais voir mon hôte pour lui dire que ce cochon ne va pas bien et reviens vérifier l’état de l’animal. Et c’est encore moi qui leur annonce qu’il a l’air d’aller mieux et agit de nouveau normalement. Pas une fois ils ne s’inquiéteront. Je souligne même qu’il lui faut un abri à l’ombre par ce soleil brûlant et ait droit à un « ah ben oui, mais bon, il y a tellement de choses à faire... ». C'est peut-être moi qui suis trop sensible au bien être des animaux, mais ça me choque énormément. Parce que justement, je ne peux pas dire que je les vois bosser comme des ânes!

Tweety, Silvester, et Bob, qui est le seul sans abri et sera bien mal en point

Les trois petits cochons :D

En parallèle, on avance à une allure d’escargot sur les projets de la structure du compost et du jardin potager. On a tout commencé, rien avancé. Le bulldozer est dans l’enclos des moutons et on a terrassé une partie du sol. Ça m'a d'ailleurs permis de m'essayer au bulldozer et une chose est sure, c'est puissant et ça secoue ce truc! Je ne suis pas sure d'aimer, même si je conçois que ce soit utile et parfois nécessaire.

Robb vérifiant le niveau du sol
incroyable, Tammy travaille
On a délimité avec une corde la zone du potager, et même été poussé le vice jusqu’à dessiner un plan potentiel et placer quelques planches au sol pour le visualiser. 
Le "jardin potager" actuel,
quelques aromatiques dans des wicking boxes
Ce à quoi le jardin pourrait ressembler, sur papier
Et visualisé au sol.
Mais après 1 à 2h de boulot, chaque jour, ils en ont assez et il est temps de faire une pause. Et encore, ça c’est les jours où il ne fait pas trop chaud pour travailler. Alors oui, la température est immonde et le niveau d’humidité l’est plus encore, qui vous fait vous couvrir de sueur à 6h30 du matin, parce que vous avez eu le malheur de sortir donner le grain aux animaux. Mais moi ça ne m’empêche pas durant ce temps de pelleter des brouettes de patates douces, de ratisser des feuilles, du fumier de brebis, de tondre la pelouse là où sera le potager et en profiter pour collecter de l’herbe fraîche  tout composants dont nous aurons besoin pour la pile de compost, mais qui restent là sans être utilisés. Oh, et de passer une journée à garder les petits aussi, pour que les parents puissent avoir un break en amoureux. Heureusement et assez étonnement, je m’entends bien avec les deux bouts de chou, comme avec les plus grands d’ailleurs, et je réussirais même à les tenir éloignés de la télé la plupart du temps, à grand renfort de chatouilles, de lancé de frisbee et de "oh et si on allait voir les animaux?".

Pas facile de faire comprendre à la petite Bobby qu'un chaton n'est pas un jouet
Comme souvent avec moi et dans ce genre de situation, tout commence à se fissurer en même temps et des choses qui jusqu’ici m’étonnaient sans pour autant m’énerver commencent à me porter sur les nerfs. Leur incohérence totale en termes de nutrition par exemple. Ces gens qui parlent d’établir un potager, alors qu’ils ont très largement trop d’animaux et s’en occupent manifestement mal, achètent ces atroces saucisses de viande agglomérée entourée de plastique, que j’ai réussi à esquiver habilement et dont je ne veux même pas connaitre la composition ni la provenance. Ajoutez à ça une consommation incroyable de sodas, sucreries, et le fait qu’ils parlent de nourrir sainement leurs enfants alors qu’ils achètent chaque semaine, en supermarché, les sempiternels même légumes et n’ont absolument pas l’air intéressés par les nouvelles variétés ou céréales dont je leur parle. Même les graines d’aubergine que j’ai prélevées pour eux restent à sécher dans leur coin, sur une assiette, avant probablement d’être bazardées dans le (futur) compost. De toute façon, parmi les nombreuses choses que ne fait pas Tammy, il y a la cuisine.

Et puis il y a une étincelle de trop : on a finalement mis un « gros coup de bourre » (quelques heures de boulot) et commencé à monter les palettes pour la structure de la pile de compost, contre lesquelles on adosse des bottes de pailles, qui feront l’isolation, que je vais chercher une à une tout en haut de la pile, à grand renfort de piqûres et de sueur. 





Tadaaaa on a fait deux des murs!
Cette fois encore on arrête rapidement, et ma pile d’herbe coupée reste à côté de la baie à compost entamée mais ni terminée, ni sécurisée, avec des moutons partout autour. Vous voyez venir le drame ? Oui. Evidemment. De la bonne paille à portée de mâchoires et EN PLUS de l’herbe fraîche à grignoter ! Vraiment, on les gâte ces moutons… 

Je suis venu te dire merci pour la bonne paille mise à portée de mâchoires!
Dans un éclair de lucidité, je retourne tout de même la brouette sur la pile d’herbe fraîche  mais c'est sans étonnement que je constate le lendemain que la plupart des bottes de pailles qu’on avait ajustées avec soin ont été déchiquetées à belles dents et éparpillées partout… Evidemment, ils n’ont pas pensé à ça. Et moi, ma motivation vient de s’effondrer, suivie de près par mon moral. Ça semble stupide, mais j’en chiale de frustration. Toutes ces belles paroles et ces projets, ces trois semaines que je viens de passer ici à n’accomplir finalement presque rien, c’est trop par rapport à toute la bonne volonté, la motivation, les réveils aux aurores et les heures de travail en plein cagnard, à dégouliner de sueur, que j’ai mis dans la balance. Plus cette saleté de champignon qui me suit depuis la France mais s’épanouit pleinement ici dans la chaleur et l’humidité, me décolorant la peau par petites plaques rondes et qui, après avoir investi mon dos à Cairns, s’étend maintenant sur mes mâchoires et mes tempes, me faisant ressembler à une étrange créature exotique. Alors je commence à chercher activement ailleurs, avec une envie assez violente d’étrangler mes hôtes quand ils me confient qu’ils ne se sentent pas très motivés en ce moment. Nooooonnn ? c’est vrai ? Je n’avais pas remarqué…

Et puis l’orage passe, en discutant avec Eugeny notamment, qui me met comme d’habitude le nez dans mon caca et me fait remarquer que je suis bien gentille à vouloir accomplir des miracles et apprendre tout en 3 semaines, mais que les gens qui m’hébergent ont également leur propre timing, que j’arrive dans leur vie et qu’ils ont le droit d’avoir leur rythme et d’être un peu lents en ce moment. Certes.  Ça ne m’empêche pas de multiplier les envois de requêtes pour de futurs hôtes, mais au moins j’ai moins envie de faire la gueule à ceux-ci. C’est le premier avertissement qui me fait prendre conscience que j’attends trop du wwoofing.

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