Puisqu’il y a une semaine à attendre avant la réception de
ma vignette, plutôt que de rester coincée à Machans Beach, je profite de
l’opportunité pour tester la bête.
Chaque jour ou presque va donc être l’occasion d’un petit
road trip, rayonnant autour de mon point de chute. L’idée est de commencer
Samedi même, mais au moment de fermer le coffre, panique. Le loquet est coincé
et le hayon est donc bloqué en position ouverte, sans possibilité de le fermer.
J’appelle Sylvain, qui ne voit pas où peut être le problème. Triturage de
poignée, démontage de serrure, graissage, rien n’y fait, et je me résous la
mort dans l’âme à appeler des garagistes pour en trouver un ouvert le samedi,
sachant que mon mécano est lui fermé et en formation lundi et mardi. Et moi je bous
d’impatience, je n’ai pas envie d’attendre mercredi. Je trouve heureusement
assez rapidement un mécano qui, après quelques manipulations et avec l’aide
d’un tournevis (ce que j’ai aussi tenté) me remet le loquet en position ouverte
juste en appuyant sur la poignée. Et pouf, ça remarche. Le regard qu’il me
lance, mi-amusé, mi-agacé, me fait me sentir encore un peu plus stupide.
Heureusement, il ne me fait pas payer « l’intervention » et je
repars, penaude, et furieuse contre moi de m’être stressée pour rien et de ne
pas avoir essayé ça moi-même. La journée étant perdue, je ronge mon frein,
morose, jusqu’au lendemain.
Dimanche au matin, nous voilà partis pour un tour dans les
Tablelands, avec à la clé une petite visite chez Nadine et Sarah. Elles m’ont
en effet envoyé un gentil mail pour me dire de passer les voir si j’ai le temps
avant de partir pour le sud. Mais avant ça, Jez a préparé tout un programme de
choses à voir tout au long de notre route. C’est une chance de l’avoir avec moi
pour ce premier test car je serais probablement passée à côté de tout ça. Parce
qu’il a vécu dans le coin aussi, nous allons voir son ancienne propriété et ce
qu’il est advenu de son potager, de ses arbres, du café qu’il avait acheté.
C’est bon de le voir sourire et être presque détendu, ça n’est pas arrivé si
souvent depuis mon arrivée. Il a toujours l’air tourmenté par tous les soucis
qui planent autour de lui. Mais aujourd’hui, par la magie du van, il semble
presque serein. On s’arrête notamment pour voir deux figuiers magnifiques, nommés
Le Rideau et La Cathédrale, qui culminent à près de 60m de hauteur et couvrent
une superficie incroyable.
Plus loin, le lac Echeam nous tend les bras. Tout autour, des tables de pique-nique et des barbecues, où les Australiens viennent passer leur dimanche à manger des brochettes et à boire (beaucoup de) bière. Un tour à Yungabura, toute petite bourgade, et à Atherton et puis toute la route via Mareeba vers Koah. Juste avant d’aller voir Nadine et Sarah je profite de la proximité de David Creek pour aller tester mon van sur une « dirt road », de la caillasse compressée avec un relief de tôle ondulée. Test passé avec succès, malgré un petit dérapage du fait que je ne maîtrise pas encore le fait que mon van n’est pas tracté mais propulsé.
Assister à la rencontre entre Nadine, Sarah et Jez me
remplit de joie. Car rencontre il y a, et j’ai l’impression d’être là en
observatrice. Mais pas une impression désagréable, au contraire. Je suis
contente de les voir si bien s’entendre. Nadine et Sarah sont très demandeuses
de conseils, et Jez semble heureux de les renseigner. L’échange est simple,
serein, ils m’en oublient complètement pour un moment et Jez se met même à
jouer à renvoyer la balle à Sula, ce qui est normalement mon rôle. Une visite
aux chèvres, pour voir le tout jeune bélier qu’elles ont ramené il y a deux
semaines dans leur voiture de location. Le contrat disait, « pas de
chien », il ne précisait pas « pas de bélier » me glisse Nadine
avec un sourire mutin. Là encore la conversation dérive, du fait de l’expertise
de Jez sur tout ce qui a trait à la permaculture, et je reste là à écouter,
fascinée. Et puis alors que le soir s’annonce, nous repartons, dans un
crépuscule flamboyant, après une brève étreinte échangée avec ces deux femmes
qui sont quelque part devenues des amies, des personnes qui me font espérer que
cette vie à laquelle j’aspire est possible. Qu’est-ce que j’aime cet endroit...
Toute cette sérénité.
Lundi, alors que le dos de Jez se ressent encore des suites
de notre premier road trip, je l’abandonne pour partir explorer Babinda et les
boulders, une suite de cascades qui porte la légende d’une jeune femme venue
s’y jeter pour fuir un mariage arrangé et dont on dit qu’elle noie les jeunes
hommes dans sa quête de son amour perdu. Lorsque je pensais à partir en bus,
faute de van, j’avais prévu de passer une nuit à l’hôtel de Babinda. Un coup
d’œil à mon arrivée me fait bénir mon van… car dans le grand établissement de
bois, peint de couleurs pimpantes, seuls des hommes sont visibles. Accoudés au
bar, jouant au billard, sirotant leur bière dans l’atmosphère lourde. Passer
simplement la tête par la porte me vaut des regards inquisiteurs et pas
vraiment bienveillants et je me dis que je me serais sentie bien misérable
coincée ici pour la nuit. Si la route
pour venir est belle, les boulders me déçoivent. Le site à l’air magnifique
mais du fait de sa dangerosité il est enclos de barrières et le seul accès se
fait par un sentier balisé, avec des plates-formes qui permettent d’avoir soit
disant les meilleurs points de vue. Je me sens nouille de ne pas oser sortir du
sentier battu, mais c’est vrai que seule, je suis moins téméraire que lorsque
quelqu’un est avec moi, à même de donner l’alerte si quelque chose tourne mal.
L’eau, d’une pureté de cristal, est glacée, et je m’y assois quelques minutes,
avant de partir explorer Babinda. La visite est rapide. De part et d’autres de
la rue principale, les petites échoppes s’étalent, fermées déjà, alors qu’il
n’est que 16h. Quelques maisons disséminées dans les rues perpendiculaires, et
voilà, c’est Babinda.
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